Créée en mai dernier au Luxembourg, la start-up TheMarketsTrust offre de nouvelles solutions de gestion du risque financier, intégrant la finance comportementale. Moins chers, car utilisant des composants libres d'accès, ses outils d'analyse de données lui permettent en parallèle d'investir le domaine de l'e-santé. La start-up vise les 500 emplois d'ici dix ans.
Source : Le Quotidien
Publication date : 02/07/2015
Les investisseurs ne sont pas des ordinateurs infaillibles. Non seulement la masse d'informations à analyser a explosé ces dernières années, mais de plus la psychologie de chaque trader vient fausser le calcul – supposé 100 % rationnel – du risque financier. Après 15 années passées à la Deutsche Börse, Evangelos Papadopoulos s'est mis à plancher sur une nouvelle génération d'outils, plus fiables que les systèmes actuels, à destination des banques et des gestionnaires d'actifs. Avec Frédéric Le Dinahet, un Parisien ex-HEC rencontré lors d'une formation à Harvard, ils ont choisi le Luxembourg pour monter leur projet.
Lancée dès l'été 2013 au Technoport, la start-up TheMarketsTrust (TMT) naît officiellement en mai dernier, avant de migrer en juillet au Lux Future Lab, l'incubateur soutenu par BGL BNP Paribas. Son originalité, à travers ses outils Leopard WorkStation (portail) et Leopard Online (application en ligne), est ainsi de croiser les données classiques de la finance avec une analyse comportementale de chaque investisseur, afin de déterminer le risque et donc le prix d'un actif.
«Les banques ont des systèmes dépassés»
Au modèle quantitatif (issu du calcul mathématique) et à l'analyse de l'environnement (issue des informations des médias financiers et des réseaux sociaux), TMT ajoute la personnalité du trader, déterminée par des questionnaires et un entretien avec un psychologue. «En analysant l'historique de son comportement et celui du marché, on peut savoir s'il a tendance à être trop sûr de lui, à ne vouloir absolument pas perdre, ou encore si c'est un mouton qui suit trop le marché. Et lorsqu'il gagne, est-ce un coup de chance ou le résultat d'une bonne stratégie? On tire de tout cela une surveillance en temps réel, explique Evangelos Papadopoulos. Notre secret, c'est la connaissance qu'on va acquérir sur nos clients. Nous travaillons à prendre aussi en compte l'influence de la politique de la société ainsi que l'expérience du trader. » Selon lui, les systèmes informatiques des banques sont «dépassés» et «vont tous devoir être réécrits dans les cinq ans».
Pour son modèle économique, la force de TMT est de travailler avec des composants open source (libres d'accès) : «Cela nous permet d'être 60 % moins cher. Le client ne paie que la personnalisation du système.» TMT a déjà convaincu un fonds d'investissement à New York et une banque européenne. Deux autres banques sont intéressées. En plus de quinze collaborateurs free-lance, quinze salariés travaillent aujourd'hui pour TMT, dont huit au Luxembourg, les autres opérant depuis Paris, New York, l'Autriche et la Pologne. Sept nouvelles embauches sont prévues le mois prochain.
Applis e-santé via le cloud européen
Lancée avec 250 000 euros sur fonds propres, TMT est aujourd'hui en quête de subventions publiques comme tremplin à son développement. L'équilibre devrait être atteint en fin d'année, avec un objectif annoncé : «créer 500 emplois d'ici dix ans», dont 300 dans la finance et 200 dans l'e-santé.
Réunie sur la plate-forme myhippocrates.eu, cette seconde branche de la start-up est liée à la première, puisqu'elle utilise les mêmes outils intelligents d'analyse et de sécurisation des données. Fin décembre, TMT a ainsi été retenue parmi 80 start-up (sur 300 candidats) par l'accélérateur de projets Fiware, dans le cadre du programme Horizon 2020 de l'Union européenne, dédié à la recherche et à l'innovation.
Deux projets d'applications de TMT sont concernés. Le premier, GECAMed mobile, est la version mobile de GECAMed, un logiciel open source de gestion des cabinets médicaux développée au Luxembourg par le LIST (Luxembourg Institute of Science and Technology). Les médecins du Grand-Duché peuvent ainsi accéder aux dossiers de leurs patients où qu'ils se trouvent. La seconde application, baptisée DocFinder, doit permettre aux patients luxembourgeois, sur la base d'un prédiagnostic en ligne, d'identifier le médecin ou le spécialiste à consulter, voire de prendre rendez-vous directement avec lui. «Le Luxembourg a la bonne taille pour servir de laboratoire à ces applications médicales, avant leur implantation dans d'autres pays européens», commente Evangelos Papadopoulos.
Au-delà de lui attribuer peut-être un prix de 217 000 euros, Fiware permet à TMT d'utiliser gratuitement l'infrastructure du «cloud» européen (hébergement et calcul de données en ligne) et les composants open source nécessaires au développement technique de ses projets, y compris financiers. «Nous sommes les seuls au Luxembourg à être sélectionnés pour utiliser le cloud européen», se félicite Evangelos Papadopoulos.
Sollicitée par un incubateur et un investisseur privé pour migrer vers la Silicon Valley, TMT préfère pour l'heure grandir au Luxembourg, où la start-up dit trouver des conditions avantageuses. Vous avez dit Silicon Luxembourg?
Sylvain Amiotte