Les chiffres sont assez récents: l'industrie spatiale occuperait 700 personnes au Luxembourg et pèserait 1,83% dans le PIB, principalement grâce aux deux milliards d'euros de chiffres d'affaires de la Société européenne de satellites. L'écosystème, multiforme et très difficile à cerner dans sa globalité, est arrivé à maturité grâce à une occupation systématique et intelligente de tous les terrains de jeux. Revue d'effectif.
Source : Luxemburger Wort
Publication date : 12/04/2015
C'est LE paradoxe du secteur spatial: pour se développer au Luxembourg, ses acteurs doivent se garder d'avoir la tête dans les nuages. Car la concurrence est féroce. Année après année, la SES continue à rester en pointe, réalisant un tiers du chiffre d'affaires du secteur en Europe malgré l'omniprésence d'EADS et de Thales, qui emploient près de la moitié des 36.184 salariés du secteur, moitié à laquelle il faut ajouter 20% pour un quartet composé de Finmecchanica, OHB, Ruag et de Safran.
La locomotive luxembourgeoise de l'espace a eu un double effet. Sur le développement du secteur avec une trentaine d'acteurs, recensés par le ministère de l'Economie. Mais aussi sur l'émergence de partenariats avec le Luxembourg Institute of Science and Technology, avec l'Université de Luxembourg ou encore avec le SnT (Interdisciplinary Centre for Security, Reliability and Trust). Quand le Luxembourg a compris qu'il devrait réorienter son économie pour la rendre moins dépendante du secteur bancaire et financier, Luxinnovation a commencé à recenser les acteurs du secteur et à essayer de les fédérer en cluster. Auquel une nouvelle couche a été ajoutée avec la création du Groupement luxembourgeois de l'aéronautique et de l'espace, qui dépend de la fédération des industriels, au moment où le Luxembourg a rejoint, en février 2005, l'Agence spatiale européenne.
A croiser différentes listes des acteurs, il n'en manque qu'un, membre du GLIE, mais pas de la liste du ministère de l'Economie: GT Satellite Systems. La société est devenue un acteur de référence de la fourniture de contenus par satellites en Russie, où elle travaille par exemple avec RTL Group. Au Luxembourg, son dirigeant historique, Anatoly Sosnovskiy, arrivé avec dix millions de dollars du Bélize et Dalminer Finance, a cédé son fauteuil dès 2007 à Nikolay Lukyansksev, pour devenir vice-gouverneur de la province de Novgorod sur laquelle le président russe, Vladimir Poutine, garde un oeil particulier.
«Vous êtes devenu un modèle en dix ans!»
«Vous êtes devenu un modèle en dix ans! Passant du simple statut d'opérateur télécom avec la SES à un écosystème industriel. Deux satellites de l'Agence européenne de satellites seront d'ailleurs fabriqués au Luxembourg et votre contribution à l'ESA a été multipliée par cinq en dix ans. 85% de vos investissements dans le spatial vont dans l'agence», a souligné le directeur général de l'ESA, Jean-Jacques Dordain, le 17 juin, au moment où le Luxembourg célébrait le dixième anniversaire de son adhésion, au salon du Bourget.
A ses côtés ce jour-là, le ministre de l'Economie, Etienne Schneider, s'était félicité d'être parvenu à sécuriser sept milliards d'euros d'investissements de la part des pays membres de l'agence européenne dans une période difficile au moment où le Luxembourg en prenait la présidence conjointement avec la Suisse.
Le ministre s'était aussi félicité de la création, la première au monde, d'un EarthLab, au Luxembourg. Le sujet est redevenu à la mode, ces derniers jours, à la COP21, la conférence internationale sur le climat qui se tient à Paris. Le satellite d'observation peut jouer un rôle décisif sur la gestion des ressources naturelles. Une trentaine de personnes au Luxembourg décoderont les données pour évaluer les risques industriels et environnementaux à destination des industriels, des assureurs et des fonds d'investissement. Le projet, dont il existe deux autres répliques dans le monde, associe les Luxembourgeois de Post (par sa filiale Post Capital) et de HiTec avec une filiale française de Thales par l'Italie (Telespazio France) et e-Geos, filiale de l'agence spatiale italienne.
Au Bourget, le Luxembourg avait aussi signé un accord, nettement moins spectaculaire, avec avec Skywin, le cluster belge de l'aéronautique crée en 2006 et qui regroupe 130 entreprises, universités et centre de recherche dont 35 du secteur spatial.
Et pendant ce temps-là, la SES continue de se développer. La semaine dernière, elle a présenté son nouveau centre de commandement de 33 satellites de ses 53 satellites. Un centre qui pourra en accueillir cent à termes, signe réaffirmé 27 ans après le premier lancement, de sa volonté de rester.
THIERRY LABRO