Le ministre de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité, Serge Wilmes présentera sa stratégie le mois prochain. Une étude du LIST sur les communes du Sud vient de démontrer l’urgence d’une politique ambitieuse.
Source : Le Quotidien
Date de publication : 25/01/2025
Si on ne sait pas encore quelles mesures seront inscrites dans le « Projet de stratégie et plan d’action pour l’adaptation aux effets du changement climatique au Luxembourg (2025 – 2035)» du ministre Wilmes, le ministère, contacté par Le Quotidien, a toutefois précisé que «la stratégie d’adaptation au climat du Luxembourg a pour objectif de préparer le pays aux effets inévitables du changement climatique.
Elle vise à renforcer la résilience et à réduire la vulnérabilité face aux conséquences de ces changements. Les citoyens sont encouragés à participer activement à l’élaboration de cette stratégie et à s’engager pour un avenir plus durable.»
Alors que de l’autre côté de l’Atlantique, Donald Trump nie avec autant d’imbécilité que d’indécence l’urgence climatique, il incombe à l’Europe d’être le fer de lance d’une politique environnementale vertueuse et responsable envers les prochaines générations. Sera-t-elle capable de prendre ses responsabilités? Si le Grand-Duché – pas le pays le plus mal à l’aide dans ses finances – n’assume pas ce rôle, qui le fera…
À ce stade, à un moment où le climatoscepticisme a le vent en poupe, il n’est pas inutile de rappeler ce qu’est la réalité de l’évolution du climat. Une évidence qui est parfaitement démontrée dans un travail très récent du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST).
Le 22 octobre dernier, Jürgen Junk (scientifique au département «Environmental Research and Innovation» du LIST) avait dévoilé les résultats de l’étude «Stadtklimaanalyse für die Region Pro-Sud», réalisée en 2023/2024. Claude Meisch (ministre du Logement et de l’Aménagement du territoire) et Christian Weis (président du syndicat intercommunal Pro-Sud et bourgmestre d’Esch-sur-Alzette) étaient à ses côtés.
Ce travail de recherche qui a analysé le microclimat urbain des onze communes membres de Pro-Sud a été effectué en collaboration avec la société GEO-NET (Hanovre). Elle repose sur une modélisation fine (un maillage de carrés de cinq mètres sur cinq) qui a permis de cartographier les conditions climatiques actuelles puis de simuler deux scénarios de changements climatiques futurs (+0,7 °C et +2,7 ° C) déjà établis par les scientifiques du GIEC.
Indispensables espaces verts
Ce n’est pas une surprise, mais, provoqués par de faibles échanges d’air et un taux élevé de surfaces imperméabilisées (celles qui emmagasinent le plus de chaleur), les centres-villes densément construits seront de plus en plus touchés par les vagues de chaleur lors de canicules estivales. Épisodes dont la fréquence, par ailleurs, ne fera que croître.
Les principaux résultats démontrent que les villes se refroidissent moins vite que les campagnes environnantes, particulièrement dans les centres urbains denses et les zones industrielles. Les secteurs avec peu de végétation et beaucoup de surfaces imperméabilisées affichent en effet une forte chaleur en journée.
Non seulement les parcs végétalisés sont bénéfiques pour la biodiversité et la qualité de l’air (ils filtrent les polluants atmosphériques), mais ils offrent aussi un rafraîchissement essentiel, dont l’efficacité varie toutefois en fonction de leur taille, de leur localisation et de leur densité végétale. Les espaces ouverts produisent ainsi de l’air frais nocturne, indispensable pour rafraîchir les secteurs très urbanisés. Pour provoquer les flux d’air entre les différents secteurs, la présence de corridors de vent est essentielle.
Le bâti devra également évoluer. Pour les auteurs de l’étude, les communes devraient exiger une analyse climatique pour chaque nouveau projet. Non seulement l’utilisation des matériaux ayant une forte capacité de réflexion solaire devrait être privilégiée (le bois, par exemple), mais il faudrait aussi verdir le plus de surfaces possible, toits comme façades.
L’orientation des édifices devrait être étudiée en fonction de l’ensoleillement et des flux d’air, particulièrement dans les bâtiments sensibles comme les hôpitaux ou les maisons de soins. En somme, il est d’ores et déjà nécessaire d’élaborer un urbanisme durable avec une vision sur plusieurs décennies pour anticiper les impacts du changement climatique.
Reconsidérer l’urbanisme
Dans le premier scénario travaillé, établi sur des critères très optimistes (+0,7 °C), les scientifiques prévoient que les zones urbaines qui subiront une charge thermique seront en légère expansion. Dans le second (+2,7 °C), qui n’est pas le pire prévu par le GIEC, jusqu’à 80 % des zones urbaines seront classées comme fortement ou très fortement exposées à la chaleur. L’augmentation significative des températures diurnes et nocturnes entraînera des risques accrus pour la santé et le bien-être.
L’étude se conclut par un catalogue de 20 mesures qui, selon les auteurs, permettront aux villes d’être mieux adaptées à l’évolution du climat et donc, de mieux protéger la santé de ses habitants et des personnes qui y travaillent. Ils conseillent ainsi d’augmenter les zones d’ombre et la végétalisation dans les espaces publics (parcs, rues, écoles…), de protéger et de renforcer les corridors de vent, de réduire les surfaces imperméables pour limiter l’effet d’accumulation de chaleur ou encore d’intégrer les facteurs climatiques dans la planification urbaine, en donnant la priorité aux zones critiques identifiées dans les cartes climatiques très précises qu’ils ont créées pour l’occasion. Ils stipulent enfin que cette étude devrait être renouvelée tous les cinq à dix ans afin de pouvoir suivre les évolutions climatiques et de mieux définir les nouveaux projets urbains.
Serge Wilmes n’était pas présent lors de la présentation de cette étude, mais gageons que ces travaux sont arrivés jusqu’à son bureau et que leurs conclusions imprégneront la stratégie qu’il dévoilera d’ici quelques semaines.
Erwan Nonet