Cycle de Wiltz

Le projet-pilote de reconversion des friches comme modèle concret d'économie circulaire à l'échelle du pays. Wiltz, «hotspot» de l'économie circulaire... Cette vision peut sembler éloignée de l'image de la petite cité du Nord du pays, construite sur un plateau et dominée par le château des anciens comtes de l'endroit. Et pourtant...

Source : Le Jeudi
Date de publication : 04/01/2018

 

En février 2015, le ministère de l'Economie avait présenté une étude évaluant le potentiel de développement de l'économie circulaire au Luxembourg. Elle était assortie d'une invitation aux acteurs, privés et publics, à participer à des projets-pilotes. C'est de là qu'est sortie la nouvelle vocation de la ville nordiste. Avec un projet phare: la reconversion des anciennes friches industrielles en un vaste ensemble résidentiel intégré.

Mais il faut replacer tout cela dans son cycle de vie.

L'économie circulaire, c'est, selon les Nations unies, un système de production, d'échange et de partage permettant le progrès social, la préservation du capital naturel et le développement économique. Pour la fondation Ellen Mc Arthur – association caritative britannique créée en 2009, qui vise à inspirer une génération à repenser, reconceptualiser et construire un avenir positif à travers le cadre d'une économie circulaire –, cette notion globale fournit de multiples mécanismes de création de valeur qui sont découplés de la consommation de ressources finies.

C'est l'usage qui prime, nourri au recyclage des ressources, pensé dès la conception de chaque projet.

Trois principes sont mis en avant. Préserver et développer le capital naturel, en équilibrant le flux des ressources renouvelables, entre autres par la dématérialisation des services dès que possible. Il faut donc (deuxième principe) optimiser l'exploitation des ressources en favorisant la circulation des produits, composants et matériaux à leur meilleur niveau de performance; privilégier les boucles courtes permettant de préserver l'énergie et le travail investi dans la production et tendre à allonger le cycle de vie des produits notamment grâce au réemploi. Le troisième pilier préconise de créer les conditions propices à un système vertueux, ce qui implique de réduire les dommages causés aux différents besoins humains (alimentation, mobilité, habitat, santé, éducation...) et à l'environnement.

Dans sa politique de développement global, le Luxembourg a pris conscience du fait que le modèle économique traditionnel, basé sur une approche linéaire, devenait obsolète. L'économie circulaire permet, en revanche, de réconcilier croissance et durabilité, tout en travaillant positivement à la compétitivité et à la prospérité du pays.

On retrouve cette approche dans l'étude stratégique de «troisième révolution industrielle» réalisée avec l'économiste américain Jeremy Rifkin: la transition vers une économie circulaire est considérée comme une priorité. Le gouvernement, impliquant divers ministères et forces vives, a mis en place un groupe stratégique, sorte de comité de pilotage représentatif de l'écosystème national.

C'est donc dans ce cadre qu'est apparue la mise en vitrine de Wiltz. Une série de projets sont évoqués depuis deux ans.

Comme l'ouverture d'un «repair café» – où des bricoleurs volontaires récupèrent et remettent en ordre des objets du quotidien censés être hors d'usage. Ou le «Fab Lab», sorte de fabrique de prototypes en mode ouvert, permettant de créer des produits usuels à base d'outils et machines disponibles, des imprimantes 3D par exemple, dans une logique de coopération et de «fabrication additive».

Les modèles d'économie circulaire ont ainsi été intégrés dans la zone d'activité économique Salzbaach – où se trouve le centre de recherche et développement de Tarkett, spécialisée dans les solutions innovantes pour revêtements de sol et surfaces sportives, et engagée dans le recyclage et la réutilisation de matériaux.

En fait, c'est tout un «masterplan» qui a été imaginé. «Wunne mat der Wooltz» est conçu pour le Fonds du logement et la Ville de Wiltz par le cabinet HSA (Heisbourg Strotz Architectes), Maja Devetak Landschaftsarchitektur et le bureau d'ingénierie Schroeder&Associés.

Le cœur du projet, c'est la reconversion de la friche industrielle de l'ancienne usine Tarkett, en plein centre de la localité. A l'horizon 2030, il s'agit d'y voir un véritable ensemble urbain de plus de 25 ha, entièrement conçu sur le modèle circulaire, proposant logements (on évoque 1.800 nouveaux habitants dans cette commune qui en compte quelque 6.800 aujourd'hui), espaces de travail, commerces, zones de loisirs, lieux d'enseignement, avec principes de mobilité intégrés, cadre de vie pensé pour se fondre dans l'environnement et le respecter.

Les transports en commun sont facilités, entre gare, bus et création d'un nouveau pôle d'échange avec parkings collectifs et priorité donnée aux déplacements doux, réduisant la circulation des voitures dans les nouveaux quartiers.

L'aménagement paysager prévoit la renaturation de la Wiltz et une importante réflexion sur les espaces publics, interpénétrés avec les «anciens» quartiers de la cité.

Ce projet central, une initiative qualifiée d'emblée de projet-pilote voire d'exemple pour le pays, en appelle d'autres, dans un plan intégratif du développement local qui vise à faire de Wiltz un centre attractif dans le Nord, avec de nouveaux emplois (450 nouvelles places de travail annoncées lors du lancement du projet fin 2015)

Un deuxième espace est aussi visé, les 8 ha de Circuit Foil. Cette entreprise, présente depuis 1960, produit des feuilles de cuivre pour l'industrie électronique ou l'aéronautique. Sa spécificité est circulaire, puisqu'elle fabrique beaucoup à partir de déchets de cuivre recyclés et revalorisés. Et le Luxembourg Institute of Science and Technology (List) développe avec l'entreprise (liée depuis 2014 au groupe coréen Doosan, elle emploie 250 personnes sur ce site) un produit de pointe pour préserver les avions de la foudre. Le masterplan, «Haargarten» imagine la création de 220 logements supplémentaires. Ce qui pourrait doter Wiltz, au total des projets, de 2.300 habitants de plus, occupant près de 34 ha de terrains industriels revalorisés.

Les modèles se mettent en place, donc. Encore timidement dans les PME à l'échelle du pays, même si la mobilisation et la vulgarisation s'organisent, sous l'impulsion des Chambres, de commerce et des métiers entre autres.

Par ailleurs, sous la houlette de Luxinnovation, un programme «Fit 4 Circularity» a été conçu pour faciliter et accélérer la transition des entreprises vers l'économie circulaire, notamment en identifiant et évaluant le potentiel de croissance de l'affaire, en l'intégrant dans une démarche globale d'innovation. Une sorte d'audit qui étudie les possibilités de création de valeur par une prolongation du cycle de vie des produits ou les gains potentiels liés aux chaînes d'approvisionnement circulaires, aux plateformes de collaboration ou à la conception de services additionnels à la vente du produit.

Et, si ce diagnostic ne doit pas forcément être suivi d'une phase d'implémentation, il peut être éligible à des cofinancements publics, au titre des projets R&D.

De grandes entreprises, comme ArcelorMittal, Contern ou Astron, se sont lancées dans une forme d'économie circulaire basée, notamment, sur l'usage de matières recyclées en amont de la production.

Et cela ne semble guère les désavantager puisque ça tourne plutôt bien pour elles...

Alain Ducat

 

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