«Le Luxembourg a une carte à jouer»

Charles Gosselin, manager du Cluster for Logistics, nous éclaire sur les tenants et les aboutissants du secteur de la logistique au Luxembourg.

Source : Le Quotidien
Date de publication : 17/04/2015

 

Qu'est-ce que le Cluster for Logistics et quelle est sa raison d'être?

Charles Gosselin : Le cluster a été créé en 2009, sous l'impulsion du ministère de l'Économie (NDLR : Jeannot Krecké était à l'époque ministre de l'Économie). Son objectif premier est de fédérer les entreprises du secteur de la logistique, afin de favoriser leur coopération et donc de limiter la concurrence entre elles, dans le but de rendre le secteur plus efficace. En contrepartie, nous les promouvons dans le pays et à l'étranger, pour faire connaître la place logistique luxembourgeoise.

Y avait-il un réel besoin à l'époque?

Effectivement. Le gouvernement avait dans l'optique de faire de la logistique un pôle de développement du pays. Ce fut d'ailleurs une très bonne idée de Jeannot Krecké qui souhaitait améliorer la  compétitivité du pays. Nos membres fondateurs sont la Chambre de commerce, la clc, le cluster maritime luxembourgeois, la Fedil, Luxinnovation, l'université du Luxembourg et le LIST.

Nous avons ensuite très rapidement essayé d'intégrer autant que possible un représentant de chaque mode de transport (routier, aérien, ferroviaire, fluvial et maritime).

Concrètement, il s'agissait de fédérer théoriciens et hommes de terrain : c'est ce mélange entre théorie et pratique qui fournit aujourd'hui l'impulsion au cluster. Outre les activités de logistiques proprement dites, nous nous occupons également de formation et poussons les entreprises à l'innovation.

Justement, la logistique est souvent perçue comme n'étant que le transport de marchandises d'un point A à un point B...

C'est juste, mais ce n'est parfois pas si simple! Avec la mondialisation, la logistique a énormément évolué. Aujourd'hui, on fait venir et on expédie n'importe quoi dans le monde entier!

Combien d'entreprises oeuvrent dans le secteur au Luxembourg?

Il y en a 800. Il y a environ une centaine de grosses entreprises dans le secteur. Parmi les plus importantes, je citerais Cargolux, CFL Multimodal, les transitaires Panalpina, Kuehne + Nagel, DHL, ou encore Arthur Welter et Wallenborn pour le transport routier.

Et en termes de nombre d'emplois?

Le secteur représente 13 500 emplois directs au Luxembourg.

Le secteur est-il en expansion?

Tout à fait. Et notamment grâce au développement de CFL Multimodal qui annonce 400 postes supplémentaires à moyen terme. Le nombre de salariés du secteur augmente parallèlement à l'augmentation du volume de marchandises transportées.

Quel est le chiffre d'affaires du secteur logistique au Luxembourg?

Pour 2013, la valeur ajoutée s'est élevée à un milliard trois cents millions d'euros en termes de contribution au PIB soit 2,5 %.

Le Grand-Duché est-il considéré comme un carrefour stratégique en matière de logistique?

Exactement. Le Luxembourg a une très belle carte à jouer de par ses infrastructures et de par sa position géographique centrale en Europe. Le Grand-Duché peut toucher 60 % du PIB européen dans un rayon de 500 km. Le pays dispose d'une situation avantageuse, notamment en matière de logistique ferroviaire, parce qu'il se trouve à la croisée de trois corridors ferroviaires prioritairement développés par la Commission européenne.

Quels sont ces trois corridors ferroviaires qui passent par le Luxembourg?

Le premier relie l'Espagne aux pays scandinaves via le Luxembourg. Un deuxième corridor fait la jonction entre le nord-ouest et le sud-est de l'Europe, à savoir entre l'Angleterre, la Belgique, le Luxembourg et l'Italie. Enfin, le troisième corridor ferroviaire suit un tracé entre les villes de Marseille, Lyon, Luxembourg, Berlin et Varsovie. Il suffit d'entrecouper ces trois corridors et vous pouvez aller partout en Europe.

Le transport ferroviaire est donc d'une grande importance pour le pays?

Le Luxembourg mise en effet plutôt sur le ferroviaire et nous sommes d'ailleurs quasiment saturés à Bettembourg : 125 000 conteneurs y ont transité en 2014. Demain, ce seront 600 000 conteneurs, d'où le développement de la plateforme. Tout sera opérationnel en 2016. Il faut savoir qu'on cherche à décongestionner les axes routiers et à réduire les émissions de CO2.

Et qu'en est-il du transport maritime, bien que le Luxembourg n'ait pas d'accès direct à la mer?

Trois ports majeurs se situent dans un rayon de 500 kilomètres autour du Luxembourg, à savoir Rotterdam, Anvers et Zeebrugge. Ils supportent 50 % du volume de fret maritime en Europe. Si l'on ajoute le port de Hambourg, ce taux s'élève à 80 %.

L'un des objectifs de la plateforme multimodale CFL est de renforcer ses liaisons avec ces trois ports. Le port d'Anvers, par exemple, traite 8,5 millions de TEU par an (NDLR : unité de mesure de conteneur qui équivaut à vingt pieds) et il prévoit d'en traiter 12 millions d'ici 5 ans. Ceci dit, le transport logistique par mer est relativement marginal pour le Luxembourg qui privilégie l'aérien et le ferroviaire transeuropéen.

On oublie souvent le fret fluvial et l'importance du port de Mertert…

Le port servira à l'avenir essentiellement au transport de conteneurs et de matériaux de construction. Le gouvernement en a décidé ainsi. L'inconvénient est que seul le nord de l'Europe dispose de voies fluviales propices à ce type de logistique.

Cela dit, le fret aérien reste l'une des "spécialités" du Luxembourg...

Cargolux est à l'origine de la décision de l'État de se lancer dans le développement de la logistique. Il faut savoir que 50 % du volume d'import-export de marchandises par les airs est concentré entre les
aéroports d'Amsterdam, de Paris, de Luxembourg et de Francfort. Le Findel est en outre le 5e aéroport en termes de volume de fret aérien. Et Luxembourg a de nombreux avantages : ici, on charge et on décharge un Boeing 747 en 2 heures à peine!

Qu'en est-il des relations logistiques avec l'Europe de l'Est?

Nous développons d'excellentes relations avec l'ensemble des transporteurs polonais. Nous étions justement en Pologne l'année dernière, dans le cadre d'une mission économique avec le Grand-Duc et la Chambre de commerce. Il faut savoir que le transport routier est un véritable pilier de l'économie polonaise. Il y a une multitude de petites entreprises qui n'ont qu'un seul camion; au lieu de les envoyer "se promener" durant trois semaines dans toute l'Europe, il est plus avantageux pour elles de charger leurs camions en Pologne, puis de les faire venir à Luxembourg, où ils seront dispatchés. Le premier train entre le Luxembourg et la Pologne sera lancé l'année prochaine. Une plateforme est en construction à Poznan dans cette optique.

Et avec le sud-est de l'Europe?

De plus en plus de bateaux venant de Turquie accostent à Trieste (Italie) et déchargent des poids lourds qui sont ensuite chargés sur des trains vers le Luxembourg, où ils sont dispatchés vers le nord de l'Europe. On cherche partout en Europe à décongestionner les axes routiers, dont ceux des Balkans.

Quel est finalement la marchandise la plus transportée?

On ne dispose pas de chiffres. On transporte vraiment de tout.

Claude Damiani

 

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