Adapter les villes au changement climatique est une «nécessité urgente», selon une étude du LIST qui s’est penchée sur le cas de onze communes du sud du pays. Espaces verts, plans d’eau, disposition des bâtiments: de nouvelles approches sont indispensables.
Source : virgule.lu
Date de publication : 24/10/2024
Sous l’effet du changement climatique, les épisodes de canicule se multiplient, toujours plus intenses. Un phénomène qui impacte fortement les villes, et en particulier les centres-villes densément construits, en raison de la diminution de l’échange d’air, d’un taux élevé d’artificialisation des sols et aux sources de chaleur anthropique telles que le trafic et l’industrie.
Une étude, présentée mardi 22 octobre en présence du ministre du Logement et de l’Aménagement du territoire, Claude Meisch (DP), du bourgmestre d’Esch-sur-Alzette, Christian Weis (CSV), et de Jürgen Junk, du LIST, s’est penchée sur le bioclimat urbain des onze communes luxembourgeoises du syndicat intercommunal PRO-SUD.
Or les pouvoirs publics sont dans «la nécessité urgente d’adopter des approches innovantes et durables pour rendre les villes plus résilientes aux effets du changement climatique», selon les conclusions de l’étude, réalisée par la société GEO-NET de Hanovre et le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST).
18 mois de travail
Lors de ce travail, qui s’est étalé sur une période de 18 mois, les chercheurs ont analysé différents paramètres climatiques, notamment les températures (en identifiant la répartition spatiale des points chauds) et les flux d’air froid, qui sont essentiels pour le refroidissement nocturne d’une ville.
De fait, l’analyse dans le détail de la direction et de la vitesse du vent, ainsi que des flux et des taux de production d’air froid dans les zones de formation d’air froid, aide à comprendre la dynamique des processus d‘échange de chaleur et de froid dans la ville. Elle permet également d’évaluer le confort thermique, en tenant compte de la température de l’air, de l’humidité relative, de la vitesse du vent et du rayonnement.
La région Sud, «un îlot de chaleur urbain»
La conclusion pour la zone Sud du Luxembourg est sans appel: «La région, caractérisée par des constructions denses et des espaces verts limités, présente les caractéristiques typiques d’un îlot de chaleur urbain», expliquent les auteurs du rapport. «Cela se manifeste par le dépassement de seuils de température critiques pendant les journées d’été et par des conditions difficiles pour un refroidissement efficace pendant la nuit.»
Plus précisément, les chercheurs se sont penchés sur l’examen des températures de l’air à 4h du matin, un moment de la nuit où le refroidissement nocturne est maximal et qui permet d’évaluer les effets sur le confort de sommeil et de repos des personnes pendant la nuit. Or, l’analyse montre que «sans mesures significatives de végétalisation, le refroidissement nocturne reste insuffisant».
Jusqu’à 46°C dans les centres urbains
De même pour l’analyse à 14h: dans les centres urbains, les températures peuvent atteindre 46°C, «ce qui souligne l’urgence d’adapter l’urbanisme», ajoute le rapport, qui préconise des «interventions ciblées en matière de planification afin de maintenir ou d’améliorer la production et la circulation de l’air froid et de contribuer ainsi à la résilience climatique».
Les projections dans le futur ne sont pas de meilleur augure. Les auteurs de l’étude ont envisagé deux scénarios de réchauffement climatique – un modéré et un plus pessimiste – pour la période 2031-2060, avec une augmentation des températures comprise entre +0,7°C et +2,7°C. Or de telles projections montrent «qu’en l’absence d’adaptations durables de l’urbanisme, le risque de problèmes de santé et d’infrastructures augmente», concluent-ils.
Les villes doivent revoir leur planification urbaine
Compte tenu des prévisions d’augmentation des températures, «il est indispensable que les villes optimisent leurs stratégies d’adaptation afin de relever les défis du changement climatique», estiment les auteurs de l’étude. Les zones urbaines doivent ainsi «revoir leur planification en ce qui concerne la régulation des températures, les corridors d’air froid et les îlots de chaleur», ajoutent-ils, avant de rappeler que «l’intégration précoce de considérations climatiques dans la planification urbaine permet d’éviter les effets négatifs à long terme».
L’étude émet dans cette perspective une série de recommandations: création de nouveaux espaces verts, aménagement de plans d’eau pour le refroidissement ou encore adaptation de la disposition des bâtiments pour optimiser la circulation de l’air. Avec l’objectif d’accroître la couverture végétale par des parcs et des façades végétalisées, de favoriser l’aération par des dispositions architecturales et d’adapter les règles de construction aux exigences climatiques. «De telles approches globales ne contribuent pas seulement au refroidissement, mais améliorent également la qualité de vie des citadins», assurent les auteurs de l’étude.
Pierre Pailler