Nico Binsfeld « La House of Training est le début d'une belle aventure »

Fin 2014, la Chambre de Commerce et l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL) annonçaient une coopération renforcée dans le domaine de la formation continue en réunissant les offres de leurs organismes de formation respectifs sous une enseigne commune, celle de la House of Training. Un an plus tard, les choses ont bien bougé. Rencontre avec le fraîchement nommé CEO de la toute jeune maison de formation du patronat.

Source : Merkur Novembre/Décembre 2015
Date de publication : 10/11/2015

 

Quel a été votre parcours professionnel avant de prendre en septembre dernier les commandes de la House of Training ?

« J’ai 25 ans de métier. J’ai suivi une formation d’ingénieur en électrotechnique à Aix-la-Chapelle, avant d’entamer en 1987 mon parcours professionnel chez RTL où je suis resté 14 ans et ai été notamment responsable du développement international des chaînes radio du groupe. Je suis ensuite passé chez Broadcasting Center Europe (BCE) où j’étais en charge des activités de télécommunication, avant de rejoindre Siemens pour l’aider à développer ses activités de télécommunication pour des clients comme Post Luxembourg, Vox (aujourd’hui intégré au groupe Orange) et autres télé-distributeurs. Lorsque Siemens s’est associée à Nokia et a arrêté son engagement dans les télécommunications, j’ai rejoint Post Luxembourg pour diriger une de leurs filiales ICT (Post Telecom PSF) spécialisée en réseaux téléphoniques et infrastructures serveurs.

À côté de mon engagement professionnel, j’ai toujours été actif dans le domaine de la formation, notamment en tant que tuteur à l’Open University (Royaume-Uni), où j’ai fait un MBA dans les années 80. Je suis intervenu comme tuteur en Belgique, en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Russie et même en Roumanie. J’ai aussi donné des cours à la Chambre des Métiers pour les candidats au brevet de maîtrise. Je suis d’ailleurs toujours président de la commission d’examen des maîtres électriciens et électroniciens. J’ai également enseigné pendant quelques années à l’Institut supérieur de technologie avant qu’il ne soit intégré à l’Université du Luxembourg.

Je me suis beaucoup engagé dans diverses associations et j’ai notamment présidé la Fédération des intégrateurs. J’ai également été membre du comité et de l’assemblée plénière de la Chambre des Métiers et je représente à ce jour ICT Luxembourg pour le volet e-skills dans le projet Digital Lëtzebuerg. Une étude sur le domaine des ICT au Luxembourg est d’ailleurs actuellement en cours de réalisation et devrait être finalisée avant la fin de l’année. J’espère qu’elle nous fournira des enseignements utiles sur les besoins en compétences dans le secteur ICT. La House of Training a décidé de développer son offre de formation dans ce secteur tout à fait essentiel de l’économie luxembourgeoise. Enfin, je travaille depuis 2012 sur une thèse de doctorat sur une thématique ICT et j’espère contribuer par ce biais, à mon humble niveau, à une meilleure compréhension du secteur au Luxembourg.

Qu’est-ce qui vous a motivé dans la fonction de CEO de la House of Training ?

« C’est tout d’abord un nouveau défi et j’adore les défis, mais c’est aussi une mission d’une grande importance pour l’économie luxembourgeoise, qui a besoin d’une bonne offre de formation pour rester compétitive. Si le Luxembourg est petit par sa taille, le pays dispose d’une offre de formation impressionnante. Plus de 6.000 formations au total, selon les résultats de la dernière étude publiée par le European Centre for the Development of Vocational Training (Cedefop). L’offre existe, mais la coordination entre les différents acteurs fait parfois défaut, et ce au détriment de l’efficacité. La House of Training veut contribuer à rendre le marché de la formation plus efficace, à faire mieux à ressources constantes.
Je vois la House of Training comme une excellente opportunité de rassembler au Luxembourg les acteurs de la formation professionnelle continue, du moins du côté patronal, en vue de collaborer pour plus d’efficacité.

Comment décririez-vous votre caractère et votre style de management ?

« Je suis plutôt du genre impatient et j’aime faire bouger les choses. C’est d’ailleurs une des raisons qui m’ont motivé à rejoindre la House of Training. Je me vois surtout comme un team player, comme un membre d’une équipe et d’un comité de direction travaillant sur les mêmes objectifs. Il m’est important d’impliquer étroitement les business managers des différents piliers de la House of Training dans le processus de décision et le développement de la nouvelle structure, même si ma fonction de capitaine exigera certainement à un moment ou un autre de trancher et de prendre des décisions pour faire avancer le paquebot dans la bonne direction. Mais ma mission ne se limite pas à diriger, je dois également réussir à forger une équipe dirigeante soudée, avec des personnes qui arrivent d’horizons parfois très différents. La House of Training est une aventure qui ne fait que commencer et tout reste encore à mettre en place, l’équipe dirigeante aussi bien que le back-office et les équipes commerciales. Toute la culture d’entreprise reste à créer et je voudrais que tous les collaborateurs soient fiers de travailler pour cette belle maison. C’est un beau challenge.

La House of Training a été pensée comme une maison de formation du patronat et ses deux membres fondateurs, la Chambre de Commerce et l’ABBL, ont d’emblée annoncé que ses portes restaient ouvertes à de nouveaux partenaires. Où en sont les discussions avec d’éventuels nouveaux membres ?

« Nous sommes actuellement en pourparlers avec de nombreux partenaires potentiels. Le Luxembourg Institute of Science and Technology (List) a décidé d’intégrer dans le nouveau catalogue de la House of Training l’offre de formation de l’ancien SiTEC du CRP Henri Tudor. Il a d’ailleurs été convenu que deux personnes en charge de la formation au sein du List allaient intégrer nos équipes. L’Energie-agence, qui propose des formations dans le domaine de l’efficacité énergétique et des sources d’énergies renouvelables, nous a également fait part de son intention de collaborer avec la House of Training, tout comme l’Agence de transfert de technologie financière (ATTF) qui rejoindra la House of Training avec ses huit employés à partir du 1er novembre. L’ATTF, qui dispose d’une riche expérience nationale et internationale dans le domaine de l’assistance technique en matière financière, formera le 3e pilier de la House of Training (à côté des deux piliers LSC et IFBL) et disposera de son propre business manager en la personne de Ben Lyon, qui viendra donc renforcer l’équipe existante composée des deux business managers Muriel Morbé (LSC) et Werner Eckes (IFBL).

Qu’en est-il d’une participation de la Chambre des Métiers ?

« La Chambre des Métiers est évidemment la bienvenue et a d’ailleurs déjà déclaré son intention de collaborer avec la House of Training. Les modalités exactes de participation restent à discuter. Si ces discussions aboutissaient, la Chambre des Métiers deviendrait le 4e pilier de la House of Training et disposerait, évidemment, comme tous les autres piliers, de son propre business manager. Je me réjouirais si nous pouvions accueillir la Chambre des Métiers pour la rentrée 2016, mais c’est une négociation qui doit être menée par les chambres professionnelles. Le ministre Etienne Schneider a demandé aux deux chambres d’élargir leur champ de collaboration dans les domaines de la formation professionnelle continue, de la formation professionnelle supérieure et de la création d’un guichet unique pour entreprises. Les centres de compétences gérés par la Fédération des artisans, notamment l’IFSB (Institut de formation sectoriel du bâtiment) et les deux nouveaux centres de compétences dans les domaines du parachèvement et des techniques du bâtiment, ne seraient en tout état de cause pas concernés par la collaboration avec la House of Training et resteraient par conséquent autonomes. Mais cela ne devrait pas nous empêcher de réfléchir à d’éventuelles autres formes de collaboration.

Quels autres acteurs devraient rejoindre la House of Training pour compléter son ambition d’être la maison de formation du  patronat ?

« Avec tous ceux que je viens déjà de citer, la House of Training est sur la bonne voie pour réaliser son ambition. Un autre pilier à fort potentiel de développement qui me tient particulièrement à cœur est le secteur ICT. Nous avons certes repris certaines formations du List et nous travaillons à établir un catalogue spécifique de formations pour le secteur ICT, mais cela n’est qu’un début. Nous savons que la Fédération des artisans travaille sur un projet de centre de compétences ICT. Or, les ICT ne touchent pas seulement l’artisanat, mais tous les secteurs d’activité, et notamment le secteur bancaire - je ne citerai dans ce contexte que le domaine des fintech. Il y a donc une certaine urgence à agir et nous sommes déjà sur le coup. Nous ne voulons en aucun cas réinventer ce qui a déjà été mis en place par d’autres acteurs. Nous souhaitons simplement compléter l’offre de formation dans le domaine ICT et contribuer à une meilleure communication de l’offre existante. Certains acteurs privés disposent par ailleurs de leur propre institut de formation, dont l’offre pourrait être relayée par la House of Training. Nous sommes, par exemple, en négociation avec Telindus, Cisco, Microsoft ou encore IBM. Notre ambition est de fédérer tous les acteurs intéressés pour proposer une gamme de formations aussi complète que possible. À cet effet, nous allons créer un cercle de qualité, qui permettra d’entendre et de faire participer les fédérations professionnelles, telles que l’Apsi ou Fedil-ICT, que nous voyons comme nos partenaires. D’autres collaborations, par exemple avec l’Institut luxembourgeois des administrateurs (Ila) ou l’École supérieure du travail, sont également à l’étude. Tout acteur de la formation professionnelle intéressé par une collaboration est le bienvenu.

Comment voyez-vous évoluer le secteur de la formation professionnelle continue ?

« Je pense qu’à côté du secteur ICT, c’est surtout dans le secteur bancaire que l’on verra une hausse importante de la demande en formations, puisque ce secteur doit faire face à des réglementations toujours plus nombreuses et complexes. L’industrie des fonds, qui constitue un autre secteur essentiel de l’économie luxembourgeoise, doit - si elle veut rester compétitive - également s’adapter à un environnement législatif en mouvance constante. Nous disposons heureusement d’une grande expérience et de formateurs qualifiés dans ce domaine. La House of Training aura aussi un rôle important à jouer dans la promotion de l’entrepreneuriat et de l’esprit d’entreprise. Le Luxembourg dispose certes de sources de financement intéressantes et de toute une série d’instruments de soutien à la création d’entreprise, mais il manque singulièrement d’idées, de créativité et de goût du risque. Même si la Chambre de Commerce est déjà très active sur ce terrain, je suis persuadé que la House of Training a également une carte à jouer.

C’est un sujet qui doit rassembler tous les acteurs, les chambres professionnelles aussi bien que les lycées, la formation initiale ou encore l’Université. Il ne suffit pas d’offrir des formations et une assistance technique, il faut surtout propager un changement de mentalité et faire comprendre aux jeunes qu’il existe d’autres voies professionnelles qu’une carrière dans la fonction publique. L’industrie, le commerce et l’artisanat offrent également des opportunités et des perspectives prometteuses. Et puis, il importe de promouvoir encore et toujours l’importance du lifelong learning pour l’épanouissement professionnel et personnel. Au niveau de la House of Traning, nous nous focalisons actuellement sur les formations certifiantes, mais il nous faut à la longue occuper toute la chaîne de valeur si l’on veut donner une perspective de carrière au personnel de nos entreprises, ce qui se trouve être quand même le but de notre approche pour ce qui concerne la formation tout au long de la vie. L’initiative récente des chambres patronales, qui consiste à mettre en place une sorte de ‘Fachhochschule der Wirtschaft’ avec des formations diplômantes, va dans cette direction. Je suis d’ailleurs moi aussi fortement impliqué dans cette initiative que je vois comme un ‘pilier’ transversal de notre House of Training.

À part le travail, qu’est-ce qui vous passionne dans la vie ?

« J’adore les promenades et je suis un grand amateur de geocaching. À une certaine époque, je faisais partie du top 10 des meilleurs geocachers du pays, mais je n’ai aujourd’hui plus le temps de m’y consacrer de manière aussi assidue.

Un leitmotiv qui guide vos choix de vie ?

« Just do it! Là où d’autres voient des défis, je vois surtout des opportunités. »

Portrait

Avant de prendre ses nouvelles fonctions au sein de la House of Training, Nico Binsfeld était CEO de Post Telecom PSF, spécialisée en solutions ICT «made in Luxembourg». Après avoir occupé dès 2001 plusieurs postes à responsabilité auprès de Siemens Luxembourg, il a pris la direction de Nokia Siemens Networks Luxembourg de 2007 à 2010.

Auparavant, Nico Binsfeld a travaillé 14 ans dans le secteur des médias pour devenir en 1999 vice président télécoms et transmission au sein de Broadcasting Center Europe (BCE).

Nico Binsfeld est titulaire d’une maîtrise en sciences en électronique (Rheinisch Westfälische Technische Hochschule Aachen, Allemagne) et d’un MBA (Open University UK). Il est également membre du conseil d’administration de l’ICT Luxembourg pour le volet e-skills.

 

Patrick Ernzer

 

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