Première rentrée de l’Université à Belval

Entretien avec le nouveau recteur

Source : Belval magazine Belval magazine
Date de publication : 09/11/2015

 

Depuis le 15 janvier 2015, le professeur Rainer Klump a repris les rênes de l’Université du Luxembourg en tant que nouveau recteur. Sa dernière mission avant de venir au Luxembourg était à Francfort-sur-le-Main où il tenait le poste de vice-président à titre principal de l’Université Johann Wolfgang Goethe. Son expérience de longue date dans la gouvernance universitaire a été déterminante pour sa nomination à la tête de l’Université du Luxembourg. Suite à une première interview au début de l’année nous nous sommes entretenus avec le recteur sur le nouveau site de l’Université à Belval et sur les premiers résultats de stratégies qu’il a mises en route depuis son arrivée.

Quelles sont les missions du recteur ?

Le recteur est le représentant de l’Université à l’extérieur, il est le chef de l’administration interne, responsable de la stratégie générale de l’Université, président du Conseil universitaire et président du rectorat. L’Université du Luxembourg est une institution très jeune, il s’agit maintenant de clarifier et de préciser les stratégies de développement dans les différents secteurs. L’ancien recteur Rolf Tarrach a fait un bon travail dans la première phase de la création de l’Université, maintenant nous sommes dans la deuxième phase où il s’agit de rendre plus visible ce que l’Université peut apporter non seulement au pays, mais aussi à la région et à Belval. Le beau site de Belval aidera à augmenter la visibilité de l’Université et à démontrer quel rôle elle peut jouer et va jouer à l’avenir pour le Luxembourg non seulement dans le domaine de l’économie mais aussi dans le développement de la société. Aujourd’hui,
la matière grise, la recherche et les sciences sont les éléments clés sur lesquels se base le développement économique et social.

Le site de Belval aidera-t-il à augmenter la visibilité de l’Université ?

Oui, certainement ! Nous disposons ici de très belles infrastructures, de nouveaux bâtiments qui sont importants pour l’image de l’Université. Nous avons aussi la grande chance de renforcer le travail coopératif et interdisciplinaire grâce à la proximité des centres de recherche publics. Toutefois nous regrettons que l’Université, qui occupe plusieurs bâtiments sur le site qu’elle partage avec d’autres utilisateurs, ne soit pas plus visible en tant que telle. Quand la bibliothèque sera terminée, nous aurons un bâtiment central qui fera fonction d’une belle vitrine pour l’Université, mais d’ici là il faut encore attendre deux ans. Entretemps, nous souhaiterions voir notre logo implanté quelque part sur le site où il serait bien visible pour les nouveaux arrivants.

Combien d’étudiants y a-t-il à Belval ?

Pour la rentrée 2015/16 nous avons accueilli deux mille étudiants de la Faculté des Lettres, des Sciences Humaines, des Arts et des Sciences de l’Education qui se trouvait jusqu’à présent à Walferdange. Pour la rentrée 2016/17 nous attendons encore deux mille étudiants de plus qui poursuivront une formation bachelor dans la section juridique et économique.

Depuis notre dernier entretien au début de l’année, y a-t-il des projets de coopération avec d’autres institutions qui se sont concrétisés ?

Oui, on a déjà des projets concrets. Avec le LISER (Luxembourg Institute of Socio-Economic Research) nous avons signé un « memorandum of understanding » pour créer des postes communs de professeurs. Ainsi nous aurons quatre postes, deux pour la Faculté des Lettres, deux pour la Faculté de Droit, d’Economie et de Finance. Ces postes ont un intérêt autant pour l’Université et que pour le LISER.

Nous avons l’intention d’élargir ce modèle de coopération au niveau du personnel avec d’autres centres de recherche, notamment avec le LIH (Luxembourg Institute of Health) et le LIST (Luxembourg Institute of Science and Technology).

Au niveau de la recherche il y a beaucoup d’initiatives pour des projets interdisciplinaires. Un bon exemple est le programme PRIDE (Programme for Research-intensive Doctoral Education) du FNR (Fonds National de la Recherche). Ce programme prévoit que des bourses pour les doctorants ne soient plus seulement attribuées à des individus mais à des groupes de chercheurs et sur des projets interdisciplinaires. En ce moment il y a une vingtaine d’équipes  universitaires qui ont préparé des projets PRIDE en coopération avec les centres de recherche publics et d’autres institutions scientifiques.

Nous avons aussi entamé des discussions sur l’utilisation commune de différentes infrastructures comme par exemple le centre de calcul et la halle d’essais pour les ingénieurs qui sera utilisée à partir de la fin de cette année.

Quelles sont les plus grandes différences de l’Université du Luxembourg par rapport à l’Université de Francfort où vous étiez avant ?

L’Université Goethe a 45 000 étudiants et compte parmi les plus grandes universités d’Allemagne, l’Université du Luxembourg est petite et jeune. Ce qui me plaît beaucoup c’est l’atmosphère internationale, l’environnement multilingue et l’esprit pionnier. Les collègues et professeurs avec qui je travaille viennent de partout dans le monde. Ici nous ne sommes pas coincés dans des schémas figés, nous avons la chance de pouvoir développer des nouveaux modes de travail et d’organisation. Je rappelle seulement le défi du numérique en permanente évolution. Nous pouvons inventer, innover, être un laboratoire européen pour développer une université du XXIe siècle. Participer à la transformation de toute une économie, toute une société de l’époque industrielle vers la phase post-industrielle basée sur les services de haute qualité est une très bonne opportunité pour l’Université du Luxembourg. Ainsi nous contribuerons au rayonnement du site de Belval en tant que lieu des sciences, de la recherche et de l’innovation.

Y a-t-il un modèle comparable à l’Université du Luxembourg ?

Je ne vois pas d’autres universités qui seraient dans une situation identique. Non, je pense même que l’Université du Luxembourg est unique, c’est la seule université du pays et elle se trouve dans un environnement multilingue et multiculturel que l’on pourrait qualifier de laboratoire européen. S’il y a un modèle quelque peu comparable c’est l’Université de Maastricht qui est également assez jeune, mais ce n’est pas la seule des Pays-Bas et elle n’a pas le même contexte. Nous avons d’ailleurs des contacts réguliers avec eux. Nous devons poursuivre notre chemin individuel tout en regardant très loin ce qui se fait ailleurs. Ainsi nous entretenons des relations avec les universités à Singapour qui sont également assez jeunes et avec lesquelles nous envisageons une coopération plus concrète. Il est très important pour nous d’apprendre de leurs expériences.

Comme nous avons l’ambition d’être une université connectée au niveau international, nous entretenons aussi des relations avec plusieurs universités de la côte Ouest des Etats-Unis, notamment de San Francisco, de Berkeley et de Stanford. J’ai l’intention d’envoyer en mission des collègues pour établir une coopération plus étroite avec Berkeley. De l’autre côté des Etats-Unis nous cherchons une coopération avec le MIT (Massachusetts Institute of Technology) à Boston qui a déclaré son intérêt puisque le Luxembourg représente en quelque sorte un « gateway to Europe ». Ils ont cherché un partenaire privilégié et je pense que nous pouvons leur offrir une opportunité pour développer des projets communs.

Il y a actuellement une course vers l’excellence entre les universités. Est-il difficile pour l’Université du Luxembourg de se positionner ?

La compétition est très bien, il faut qu’on observe ce qui se fait, il y a des programmes d’excellence en Allemagne et en France, par exemple. Je le vois comme une chance, on peut profiter du concours d’excellence des autres universités à l’étranger en essayant de trouver des modes de coopération. Nous travaillons avec l’Université de Lorraine à Nancy et à Metz pour les aider à préparer leur candidature dans le cadre du programme d’excellence français. Souvent il est important d’avoir un partenaire à l’étranger dans ces procédures de candidature. Pour la prochaine vague de programme d’excellence en Allemagne nous envisageons aussi un partenariat dans ce sens avec une université allemande.

Est-ce que dans la pratique le multilinguisme visé par l’Université du Luxembourg est-il vraiment appliqué ou l’anglais dominerait-il tout de même ?

Il est vrai que dans le domaine des sciences naturelles l’anglais est la langue véhiculaire courante. Mais dans le domaine des sciences humaines cela n’est pas le cas, c’est beaucoup plus différencié, pour la formation des professeurs de lycée, par exemple, le multilinguisme une nécessité.

La promotion du multilinguisme trouve aussi sa raison d’être dans le marché du travail. La connaissance de langues est un critère important pour trouver un emploi. Le Luxembourg et l’Université offrent un milieu ouvert international qui stimule la pratique des langues. Il est donc essentiel de continuer à cultiver ce multilinguisme. A ce niveau aussi l’Université du Luxembourg se démarque des autres pays. Peut-être qu’en Suisse la situation est un peu comparable, bien qu’il me semble qu’il y ait différentes régions linguistiques, mais qui sont plutôt séparées et donc pas multilingues comme ici.

Y aurait-il d’autres thèmes que vous aimeriez aborder ?

L’offre en logements pour les étudiants est très bien. Il y a les belles résidences à Belval, au centre-ville d’Esch et aux alentours. C’est important d’avoir des logements à proximité et un maximum d’étudiants qui vivent sur le lieu pour qu’un esprit de communauté puisse se développer.

Par contre il y a un manque cruel d’infrastructures sportives, ce qui pose un problème dans l’immédiat. Si on regarde les campus universitaires dans d’autres pays et surtout aux Etats-Unis on a vraiment un grand déficit. On a de très beaux équipements pour l’enseignement, mais les possibilités de faire du sport sont très restreintes. Les activités sportives sont néanmoins une chose essentielle dans la vie universitaire aussi bien des étudiants que des professeurs ou des employés administratifs. Je suis donc content d’entendre que le centre sportif sera réalisé par le Fonds Belval et que la planification concrète va bientôt commencer.

Un autre sujet qui me tient à coeur est l’accessibilité au site de Belval et la mobilité douce. Nous comptons sur le ministère du Développement durable et des Infrastructures qui a promis une amélioration des offres de transport en commun. Nous soutenons aussi activement la mobilité douce en stimulant le car-sharing et en subventionnant des abonnements pour le train et le bus de nos employés administratifs et des professeurs. Il est clair aussi que les gens doivent changer leurs habitudes. Un grand déménagement comme celui de Walferdange vers Esch demande un certain effort.

En dernier, une question plus personnelle. Comment vous sentez-vous au Luxembourg ?

J’adore habiter au Luxembourg, j’aime le flair international, la diversité que l’on trouve sur le petit territoire, mais je n’ai malheureusement pas encore eu beaucoup de temps pour découvrir l’ensemble du pays. Pourtant je ne suis pas complètement dépaysé, la famille de mon épouse est originaire de la région de Trèves, je connaissais donc déjà un peu le Luxembourg avant de m’installer ici.

 

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