Il existe différentes façons de gérer le stress, que ce soit en se reposant, en se promenant, en se laissant tenter par des plats réconfortants, en lisant un bon livre ou en faisant de la gym. Malgré nos mécanismes d'adaptation individuels, une chose reste constante : la réponse au stress est universellement partagée au niveau cellulaire entre les animaux et les plantes. Malgré ce point commun, il existe une grande différence entre les plantes et les animaux.
Lorsqu'il fait trop chaud à l'extérieur, les animaux cherchent l'ombre d'un arbre et lorsqu'il fait trop froid, ils se réfugient dans leur tanière. En revanche, les plantes sont des organismes sessiles, c'est-à-dire qu'elles sont ancrées dans le sol et ne peuvent donc pas échapper aux situations de stress.
Les stress biotiques causés par des pathogènes bactériens, fongiques et viraux, ainsi que les stress abiotiques causés par des températures extrêmes, des sécheresses, des inondations, une salinité excessive et des variations de l'exposition à la lumière du soleil, sont autant de défis auxquels les plantes sont confrontées quotidiennement dans la nature.
Aujourd'hui, une équipe de chercheurs du groupe Plant Molecular Farming du département Environmental Research and Innovation (ERIN) au LIST a cosigné une étude intitulée "Nanoporous Quercetin-Loaded Silicon-Stabilized Hybrid Lipid Nanoparticles Alleviate Salt Stress in Tomato Plants", avec des scientifiques de SiSaf Ltd, une société de biotechnologie dont le siège se trouve à Guildford, au Royaume-Uni, proposant une solution innovante qui peut protéger les plantes d'un stress externe potentiel.
La collaboration entre le LIST et SiSaf fait partie d'un projet BRIDGES appelé Sapphyre, financé par le Fonds national de la recherche (FNR). Le projet étudie l'efficacité des nanoparticules lipidiques hybrides à base de silicium brevetées par SiSaf pour fournir aux plantes de la quercétine, un antioxydant connu pour sa capacité à protéger contre le stress.
Bien que le silicium ne soit pas essentiel à la croissance des plantes, il a été démontré que son apport sous forme d'acide silicique avait des effets bénéfiques sur la réponse des plantes aux conditions de stress. La nanotechnologie brevetée de SiSaf est conçue pour délivrer des produits chimiques aux cellules des plantes de manière plus efficace que les méthodes de pulvérisation traditionnelles. La technologie utilise des nanoparticules de silicium avec des lipides et des acides aminés pour créer une micro-cage qui peut transporter les produits chimiques dans les cellules des plantes.
"L'idée de ce projet est née de recherches antérieures menées au LIST sur le rôle du silicium dans la protection des plantes contre les agressions extérieures", explique Gea Guerriero (ERIN), co-auteur du projet. "Dans l'étude précédente publiée dans la revue à fort impact ACS Nano, nous avons testé la technologie sur des plants de cannabis exposés à un stress salin. Les résultats ont montré que la pulvérisation des feuilles avec la technologie, qui encapsule la quercétine antioxydante, aidait à protéger les plantes contre le stress salin."
La présente étude, publiée dans la revue ACS Applied Nano Materials, visait à approfondir cette recherche en testant la technologie sur des tomates, une culture d'intérêt industriel. Les résultats indiquent que la technologie est efficace pour protéger les plants de tomates contre le stress salin, comme en témoignent la préservation de l'intégrité des tissus et le maintien de l'architecture normale des feuilles. Grâce à la collaboration avec l'équipe de la plateforme Biotechnologies & Environmental Analytics (BEAP) d’ERIN, l'utilisation d'approches protéomiques a permis de comprendre en détail les mécanismes qui sous-tendent les effets protecteurs de la technologie sur les tissus végétaux.
L'aspect unique de la technologie SiSaf est que les nanoparticules sont totalement biocompatibles avec les plantes et non toxiques. Cela signifie que les nanoparticules se dissolvent avec le temps et libèrent leur contenu en même temps que l'acide silicique, sans déclencher d'effets toxiques sur la plante. Ce double effet positif (libération d'acide silicique et de quercétine) est une caractéristique unique de cette technologie et n'a jamais été rapporté dans la littérature auparavant.
"L'utilisation de nanoparticules à base de silicium pour protéger les plantes contre divers stress est un domaine de recherche unique et prometteur", conclut Gea Guerriero. "Bien que cette technologie soit actuellement coûteuse, ses avantages potentiels pour la protection et la croissance des cultures en font une technologie qui mérite d'être explorée plus avant. Si la recherche et le développement se poursuivent, cette technologie pourrait avoir un impact significatif sur le secteur agricole et contribuer à assurer une production végétale durable et saine à l'avenir."
Suzanne Saffie-Siebert, PDG de SiSaf, a commenté : "Bien que nous ayons développé nos nanoparticules lipidiques hybrides stabilisées à base de silicium pour la stabilisation et l'administration de molécules médicamenteuses et que SiSaf se concentre sur l'administration d'ARN et la technologie thérapeutique, nous sommes toujours ouverts à l'exploration du potentiel de la technologie pour d'autres applications. Les travaux de l'équipe du LIST démontrent de manière convaincante que les nanoparticules lipidiques stabilisées au silicium pourraient jouer un rôle important dans le secteur de l'agronomie.
L'article est cosigné par Gea Guerriero (LIST), Flavia Maria Sutera (SiSaf Ltd.), Jonas Hoffmann (LIST), Céline C. Leclercq (LIST), Sébastien Planchon (LIST), Roberto Berni (LIST), Jean-Francois Hausman (LIST), Jenny Renaut (LIST), Nissim Torabi-Pour (SiSaf Ltd.), Holly Cherise Pennington (SiSaf Ltd.), Mukhtar Ahmed (SiSaf Ltd.), Michael Welsh (SiSaf Ltd.), Ashkan Dehsorkhi (SiSaf Ltd.) et Suzanne Saffie-Siebert (SiSaf Ltd.).