Le projet Coronastep du LIST a récemment fait l'objet de beaucoup d'attention en raison de sa capacité à suivre la présence du virus de la COVID-19 et sa concentration dans les eaux usées du Luxembourg.
Le principe de la collecte d'échantillons dans les stations d'épuration des eaux usées du pays est un principe compréhensible. Toutefois, comment fonctionne-t-il exactement? Quelles sont les étapes à suivre avant de pouvoir analyser les données finales et produire les graphiques?
Vous trouverez ci-dessous un guide étape par étape sur la manière dont les analyses des eaux usées du projet Coronastep du LIST sont réalisées.
Le processus débute à travers 13 stations d'épuration au Grand-Duché, où des échantillons d'eaux usées sont prélevés par les employés de chaque station.
Pour obtenir un échantillon réellement représentatif d'une journée, de petits échantillons sont prélevés à des intervalles de 5 à 15 minutes, selon la station d'épuration, sur une période de 24 heures. Ils sont ensuite mélangés pour donner une image sur une journée entière. Cette manipulation est importante en raison de la fluctuation au cours d’une journée de la quantité et composition des eaux usées. A titre d’exemple, presque tout le monde va aux toilettes le matin, ou prend une douche. Au cours d’une journée, il y a donc différents niveaux de concentration.
Un représentant du LIST collecte les échantillons représentatifs des 24 heures précédentes deux ou trois fois par semaine dans les 13 stations d'épuration des eaux usées situées à travers le pays : Schifflange, Pétange, Beggen, Bettembourg, Hesperange, Mersch, Boevange-sur-Attert, Echternach, Uebersyren, Grevenmacher, Bleesbruck, Wiltz et Troisvierges. Les échantillons sont acheminés au laboratoire du LIST situé sur le site de Belvaux.
Lorsque l'échantillon arrive au laboratoire, le coronavirus SARS-CoV-2 ne peut y être détecté immédiatement et doit donc passer par deux étapes avant qu’il puisse être identifié. Il s'agit d'une étape de concentration.
La première étape de la concentration est une clarification. Par centrifugation, les matières en suspension rencontrées dans l'échantillon d'eaux usées sont éliminées. Ces dernières peuvent en effet interférer avec les étapes ultérieures du processus de détection.
La deuxième étape de la concentration est une technique connue sous le nom d'"ultra-filtration". Les eaux usées passent à travers une membrane et sont séparées du virus. Cela permet de concentrer le virus présent dans un échantillon d'eaux usées d'environ 120 ml. Cette technique d'ultra-filtration permet d'éliminer l'eau et de conserver le virus. Cette étape permet de réduire le volume.
Lorsque le volume est réduit, la concentration du virus est artificiellement augmentée. En conséquence, le nombre de particules virales par unité de volume rend le virus détectable. Un échantillon original de 120 ml se réduit à seulement 2 ou 3 ml, ce qui donne un facteur de concentration d'environ 60, prêt pour l'étape suivante.
Une fois l'étape de concentration terminée, l'étape suivante consiste à isoler et à purifier le matériel génétique du virus par une extraction d'ARN (acide ribonucléique). L'ARN à l'intérieur du virus peut en effet être détecté par un certain type de PCR connu sous le nom de RT-PCR (Reverse Transcriptase - Polymerase Chain Reaction). Cette méthode est utilisée pour détecter de nombreux virus, dont le SARS-CoV-2.
Une fois le matériel génétique extrait, la méthode de détection par PCR, c'est-à-dire l'amplification du génome viral, est appliquée aux échantillons. Pour être plus précis, le processus est en réalité une RT-PCR et non une PCR en raison de la nature du virus. Le SARS-CoV-2 est un virus à ARN et non un virus à ADN.
Les coronavirus sont des virus à ARN, ce qui signifie que l'information génétique est portée par une molécule d'ARN et non par une molécule d'ADN, une particularité de ces virus. Avant que l'étape d'amplification puisse avoir lieu, le matériel génétique du virus doit être "rétrotranscrit" de l'ARN à l'ADN - c'est ce qu'on appelle la "RT" ou transcription inverse. Une fois que le brin d'ADN a été créé, il peut être amplifié par une technique de PCR.
Les résultats des analyses en laboratoire et de l'extraction étant terminés, il est temps de regarder la date et de commencer la phase de calcul. La RT-PCR fournit un certain nombre de copies d'ARN par réaction. A partir de là, les calculs sont effectués pour revenir à l'échantillon original. En effet, seule une petite fraction de l'échantillon original est analysée. Les volumes analysés tout au long du processus doivent être pris en compte lors des calculs ; ils changent constamment au cours des nombreuses étapes de l'analyse. Il en résulte un nombre de copies d'ARN par litre d'eau usée.
La deuxième partie du traitement des données concerne la comparaison des données entre les stations d'épuration. Les chiffres doivent être normalisés car les stations d'épuration ne sont pas les mêmes ; certaines sont plus grandes, d'autres plus petites, et le nombre de personnes raccordées diffère considérablement de l'une à l'autre.
Un calcul dit de "flux" est alors effectué. Pour cela, il faut tenir compte de la quantité d'eau qui entre quotidiennement dans les centres de traitement des eaux usées. Seule une fraction de cette quantité est analysée, mais plus de 2 225 000 mètres cubes peuvent arriver par jour. À la fin, une estimation du nombre de copies d'ARN du SARS-CoV-2 par jour et dans chaque centre de traitement des eaux usées est obtenue.
Ce calcul de débit permet de prendre en compte la quantité d'eau de pluie qui arrive à la station d'épuration. Cela peut augmenter considérablement la quantité d'eau dans la station d'épuration et potentiellement réduire le signal du virus.
Un calcul est ensuite fait pour avoir l'équivalent pour 100 000 habitants en fonction de la taille du centre et du nombre de personnes qui y sont raccordées.
Avec toutes les données accumulées, l'information est envoyée au gouvernement sous la forme d'un rapport synthétique présentant la dynamique du SARS-CoV-2 dans les eaux usées à l'aide de graphiques, et publiée sur le site web du LIST à ce lien.
Du moment où les échantillons arrivent dans les laboratoires du LIST jusqu'à l'obtention des résultats, l'ensemble du processus peut prendre entre six et huit heures. En tenant compte des échantillons qui requièrent 24 heures pour être produits et collectés, le processus complet prend environ deux jours.
Désormais, le projet Coronastep effectue ces analyses trois fois par semaine.