Des probiotiques pour des produits de nettoyage naturels

Le monde bactérien recèle d’agents aux propriétés insoupçonnées. Parfois connues sous le nom de probiotiques, certaines souches bactériennes sont utilisées pour combattre l’installation de microbes pathogènes sur ou dans le corps humain. Si cette voie pleinement naturelle a déjà fait ses preuves, elle n’est cependant que très peu explorée dans des environnements construits, tels que sur les surfaces d’une cuisine ou encore d’un espace médicalisé.

Les chercheurs du LIST ont décidé de relever ce défi de taille pour créer la nouvelle génération de produits de nettoyage naturels de leur partenaire Probiotic Group Luxembourg (PBGL), en collaboration avec le Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB) de l’Université du Luxembourg. En 2020, l’équipe derrière ce projet innovant a ainsi réussi à identifier plus d’une cinquantaine de souches bactériennes, pour la plupart du genre Bacillus, potentiellement capables de dégrader de la matière organique comme de lutter contre d’autres pathogènes dans des environnements construits.

Une alternative biologique aux produits toxiques

L’hypochlorite de sodium ou les sels d’ammonium quaternaires sont des produits chimiques encore communément utilisés pour la désinfection de surfaces en dépit de leurs impacts potentiels sur la santé et l’environnement. A travers ce projet de recherche, les chercheurs du LIST ont pour ambition de transférer sur le marché des alternatives biologiques viables aux produits chimiques toxiques. Plus largement, PBGL, en encourageant la réduction de l’exposition aux pathogènes via l’utilisation de ses produits, souhaite contribuer à un moindre recours aux antibiotiques - une problématique grandissante en raison de l’augmentation de la résistance de multiples pathogènes à ces traitements.

« Notre objectif est, en quelque sorte, de fournir à notre partenaire un nouveau livre de recettes à base d’agents bactériens qui permettent la production d’une nouvelle génération de produits de nettoyage naturels certifiés ECOCERT, voire végan compatibles », précise Henry-Michel Cauchie, chercheur au LIST en charge du projet. Pour ce faire, l’équipe a non seulement identifié des candidats prometteurs dans l’environnement, mais aussi testé et confirmé leur compatibilité avec les autres composants du produit de nettoyage de leur partenaire.

Découvrir les mécanismes d’action des bactéries

Les chercheurs tentent désormais de savoir quels mécanismes d’action ces agents mettent en œuvre. « Nous passons maintenant à une expertise beaucoup plus approfondie. Nous regardons l’ensemble de leur génome pour s’assurer qu’elles n’ont pas de gènes d’antibiorésistance, mais aussi pour identifier quels gènes sont impliqués dans la lutte contre d’autres pathogènes », explique Louise Hock, chercheuse au LIST en charge de la conception des expériences au sein du projet.

Tout comme pour l’Homme, les bactéries disposent de gènes qui codent pour une fonction particulière. Dans ce contexte, les chercheurs du LIST font usage de leur expertise en microbiologie génomique pour identifier quelles souches bactériennes disposent de gènes qui induisent la production de molécules intéressantes telles que les bactériocines – des protéines capables d’inhiber la croissance voire de détruire des bactéries pathogènes. Une fois les meilleures souches bactériennes sélectionnées, ces dernières seront testées sur divers types de surfaces dures, comme le linoléum ou l’inox qui est retrouvé en milieu hospitalier par exemple.

Vers une production à l’échelle préindustrielle

La dernière étape du projet est de produire les candidats retenus dans des quantités préindustrielles pour valider leur viabilité et efficacité dans le cadre d’une production commerciale par PBGL. Un pont entre le laboratoire et l’industrie rendu possible grâce aux infrastructures de pointe de l’Institut, et plus particulièrement du GreenTech Innovation Centre. « Grâce à nos bioréacteurs de grande capacité et aux compétences transverses dont nous bénéficions avec notre collègue Samuel Jourdan, nous sommes en mesure de mener ce projet à un haut niveau de maturité et de fournir une recette quasi-clef-en-main à notre partenaire », conclut Henry-Michel.