Une part importante de la lutte contre l’émergence de la pandémie COVID-19 consiste en la détection et la cartographie. Des éléments sur lesquels se concentrent justement le projet de recherche TIGER ou «Towards an Integrated Geospatial pandemic Response system» du LIST.
«L'idée est de développer une plate-forme web pour aider responsables et décideurs politiques à prendre de meilleures décisions dans des situations de crise comme celle de la pandémie actuelle,» explique Ulrich Leopold, Principal Investigator du projet TIGER. «Nous avons déjà développé cette plateforme au LIST, mais à d'autres fins. De plus, nous avons développé des outils qui peuvent gérer la propagation des maladies dans l'espace et le temps,» ajoute-t-il.
Le projet TIGER utilise en effet une plateforme et des outils développés par le LIST au cours des 10 dernières années pour des raisons complètement différentes, telles que la prévision des précipitations, la qualité de l'air ou la prévision de la pollution des sols. «Toutefois, comme il y a certaine similitude avec les données épidémiologiques, nous pouvons également recourir à ces outils et ainsi donner une image complète,» déclare Ulrich. «Actuellement, nous ne savons pas exactement - ni dans les quartiers, ni même dans les municipalités – où les infections se produisent. Avec une telle approche, nous pourrons obtenir une meilleure image de ces modèles».
Une fois terminé, le projet TIGER sera un contributeur majeur à la TaskForce COVID-19 du Luxembourg, et aura la flexibilité nécessaire pour être implémenté dans une plate-forme web géo-spatiale interopérable, qui à son tour pourrait être liée - ou intégrée - aux initiatives actuelles et futures sur la propagation et le contrôle des maladies infectieuses.
L'idée de la plateforme est similaire à celle de la cartographie des rues, mais au lieu de cartographier les services locaux, elle affichera et localisera les infections virales. Avec une très haute résolution, elle pourrait se concentrer sur des bâtiments individuels. Ulrich souligne cependant que «cela pose des problèmes de confidentialité. Je ne sais pas encore si nous pourrons obtenir ces informations en haute résolution, mais supposons que ce soit le cas. Nous pourrons alors peut-être donner un aperçu global des quartiers, des districts des villes, ou être à l’échelle de la municipalité. Mais, cela dépend aussi un peu des décideurs».
Avec la controverse actuelle et l'examen minutieux des applications de traçage de la COVID-19, Ulrich ajoute que le projet TIGER n'y est en rien similaire. «Nous ne passons pas aux téléphones portables. Lorsque des gens ont préalablement enregistré leur adresse auprès de services de santé, nous pouvons prendre cette information. De même, nous pourrions utiliser les données provenant d’une enquête du LISER dans laquelle il est demandé aux utilisateurs de s’auto-déclarer».
Le projet TIGER a des impacts et un potentiel d'innovation majeurs grâce à son approche intégrée - combinant des données, méthodes et outils distribués - pour fournir des preuves dans l'espace et le temps à de multiples experts, chercheurs et parties prenantes pour une meilleure prise de décision au regard des mesures de confinement, menant ainsi à une réouverture contrôlée de la vie sociale.
Le projet utilise des algorithmes de probabilité pour un système de réponse réplicable, reproductible et évolutif, qui aidera à réagir plus rapidement lors de futures épidémies de maladies infectieuses, et pourra assurer une meilleure coordination entre pays voisins.
«Lorsque nous établissons des prédictions, nous obtenons une carte qui nous donne une situation moyenne, mais comme il s'agit d'une approche probabiliste, nous pouvons effectuer de nombreuses simulations. Par exemple, nous pouvons effectuer 1000 simulations pour le Luxembourg, et nous obtenons 1000 cartes de schémas de distribution potentiels. Et si nous prenons une moyenne de ces 1000 cartes, nous obtenons une carte de prédiction moyenne. Avec cela, nous pouvons donner une fourchette, et même montrer les erreurs de prédiction,» explique Ulrich avant de poursuivre «avec cette prédiction moyenne, nous pouvons fournir une autre carte qui ne mettra en avant que les prédictions associées aux erreurs; peut-être que dans un domaine, nous sommes plus confiants qu'un autre où il y a moins de données, ce qui nous donne alors une idée de l'endroit où nous devrions prélever davantage».
Ulrich précise que le projet TIGER du LIST n'est pas seulement un générateur de rapports basé sur des calculs pour les parties prenantes. «Vous pourrez vous rendre sur une plateforme et interroger les données de manière interactive avec un accès par login. La plate-forme présente également un avantage, car vous pouvez y intégrer d'autres données provenant, par exemple, du Géoportail luxembourgeois d'information sur la population. Théoriquement, nous pouvons aussi la relier car elle suit certaines normes d'échange de données». Les résultats peuvent être facilement partagés avec les différentes équipes d'experts et le gouvernement par le biais de services web interopérables et sous forme de cartes, tableaux, graphiques et statistiques récapitulatives à différents niveaux d'agrégation.
Les utilisateurs finaux auxquels la plate-forme s'adresse actuellement sont les décideurs luxembourgeois, les autres chercheurs avec lesquels le projet TIGER peut échanger des données, la TaskForce COVID-19 du pays, d'autres épidémiologistes, «et éventuellement le public, mais cela doit être convenu par les décideurs. Ce n’est pas à nous de prendre cette décision,» conclut Ulrich.
«Le projet TIGER est entièrement mené par le LIST. Toutefois, la contribution spécifique est la plate-forme web existante et développée au cours des 10 dernières années, et adaptée aux données sur les maladies. Ensuite, il y a la contribution de base avec ce que nous appelons des modèles spatio-temporels ou algorithmes pour pouvoir réellement cartographier les modèles d'épidémies à travers le pays ainsi que dans le temps».
«Je suis le Principal Investigator, donc je suis en charge de la gestion du projet. J’établis le défi et la vision, et j'aide un petit peu à mettre en œuvre ces algorithmes, mais d'autres personnes de l’équipe se dédient à cette tâche. De plus, une partie du travail d'équipe sur la fourniture de données rend toutes les données prêtes à être utilisées de manière uniforme. Une personne implémente ces algorithmes et deux autres personnes adaptent la plate-forme web».
Ulrich Leopold est titulaire d’un master en Géographie Physique et en Géosciences de l'Université de Trèves et a effectué des recherches doctorales à l'université d'Amsterdam dans le domaine de l'analyse de la propagation des incertitudes spatiales. Il est Associé de Recherche Principal en géo-calcul au Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) et dispose de 20 ans d'expérience en analyse et modélisation géo-spatiale, en technologies logicielles géo-spatiales, en géostatistique et en analyse d'incertitude spatio-temporelle dans des projets nationaux comme internationaux. Ulrich a dirigé divers projets et développements nationaux et internationaux dans le domaine des plates-formes logicielles géo-spatiales interopérables basées sur le web, des applications géostatistiques, de l'analyse de la propagation des incertitudes géo-spatiales dans divers domaines d'application (environnementaux), tels que l'eau, l'air, le sol, la logistique, les énergies renouvelables, l'urbanisme durable, le bruit, l'observation de la Terre et les villes intelligentes (Smart Cities). Il a obtenu des financements pour de nombreux projets de recherche et développement par le FNR, INTERREG NWE, H2020, ITN Marie Curie, l'ESA ainsi que l'industrie.
Avec une expérience de 10 à 20ans dans le domaine, cette équipe interdisciplinaire associant plusieurs départements du LIST dispose de compétences Géo-Computation, Modélisation Environnementale, et Informatique. Les membres de l’équipe ont d’ores et déjà travaillé ensemble à travers des projets de recherche et de développement antérieurs au sein desquels ils ont pu développer certaines parties des technologies et méthodes qui seront utilisées au sein du projet TIGER.
Ulrich Leopold (PI), Christian Braun - analyse géospatiale; Arturo Torres - modèle de probabilité spatio-temporel et simulations; Sukriti Bhattacharya - calcul distribué (distributed computing); Philippe Pinheiro - architecture et développements de la plate-forme web interopérable; Mickaël Stefas – frontend web client.