«C'est un petit pas pour l’Homme, un grand pas pour l'Humanité». Cette célèbre citation de Neil Armstrong, qui, à la fin des années 1960, a été le premier homme à marcher sur la Lune, a profondément marqué notre histoire et notre savoir. Néanmoins, ces premières missions Apollo habitées ont conduit les scientifiques à penser – à tort - que la Lune était un corps céleste 'sec'. Ce n'est que très récemment que de nouvelles missions d'exploration ont révélé l'existence d’étendues de glace d'eau dans les régions polaires de la Lune.
A l'aube des missions d’exploitation spatiale, cette découverte ouvre de nouveaux horizons et soulève de nouvelles questions de recherche, auxquelles Veneranda López Días, chercheuse au LIST (ERIN), avec ses collègues des départements ERIN et MRT, tente de répondre à travers des projets avec l'Agence Spatiale Européenne (ESA) et l'Agence Spatiale Luxembourgeoise (LSA).
Dans des environnements non terrestres tels que la Lune, nos connaissances sur le comportement des molécules d’eau sont très limitées. Ces informations sont toutefois essentielles pour mieux comprendre les origines tout comme le futur de l'eau lunaire et, par extension, pour déterminer si elle pourrait constituer une ressource viable.
Pour combler les lacunes importantes dans les connaissances sur le comportement de l'eau lunaire, Laurent Pfister, chef de l'unité ENVISION du LIST (ERIN), dirige une équipe interdisciplinaire composée d'experts en spectrométrie de masse et d'hydrologues spécialistes des isotopes. Ils contribuent à l'ambitieuse mission PROSPECT (Package for Resource Observation and in-Situ Prospecting for Exploration, Commercial exploitation and Transportation) de l'ESA.
«Dans le cadre de la mission Luna 27, qui sera lancée en 2024/2025, nous collaborons avec des instituts européens et étrangers pour une interprétation plus robuste des analyses du "sol" lunaire à partir d'échantillons prélevés sous la surface, dans la région du pôle sud de la Lune.», explique Veneranda.
Plus spécifiquement, et avec le soutien du LSA, l'équipe du LIST mène un projet novateur axé sur les processus de fractionnement des isotopes stables de l'Hydrogène (H) et de l'Oxygène (O) lors de la sublimation de la glace d'eau dans les conditions environnementales lunaires. En d'autres termes, les scientifiques examinent comment les molécules de glace d'eau se comportent lors du passage de l'état de glace à l'état de vapeur.
Un exemple concret d’application sont les régions d'ombre permanente (PSR) aux pôles lunaires. Elles agissent en effet comme des pièges à froid, avec des températures allant jusqu'à -250°C, et collectent toutes les vapeurs qui passent dans l'environnement lunaire. Ainsi, les PSR contiennent un enregistrement fossile des débuts du Système solaire qui pourrait améliorer considérablement l'état de l’art actuel lié au cycle de l'eau lunaire et à l'histoire des origines du Système solaire.
«Les progrès dans ce domaine seront très utiles et intéressants pour les sociétés d’exploitation spatiale et les scientifiques, qui étudient le cycle de l'eau sur la Lune ainsi que l'origine de l'eau du système Terre-Lune et son histoire», souligne Veneranda.
L'extraction et le traitement de l'eau sur la Lune sont particulièrement pertinents pour l'Utilisation des Ressources In Situ (ISRU), en raison de leur utilité pour la propulsion, le blindage contre les radiations, la gestion thermique et les consommables de survie. Une ISRU contribuerait donc à réduire les coûts et la complexité de l'approvisionnement à partir de la Terre, et à initier une présence humaine sur la Lune (village lunaire), qui agirait comme une base intermédiaire pour préparer de futures missions vers Mars - ou d'autres destinations – mais aussi pour étendre l'exploitation de l'espace aux astéroïdes.
De plus, les enseignements tirés de ce projet pourraient, à terme, profiter à la recherche sur les ressources en eau sur Terre. Les conclusions et les résultats attendus aideront à identifier les synergies entre l'hydrologie terrestre et non terrestre, pour, en définitive, provoquer une nouvelle dynamique dans les sciences sur les systèmes planétaires et terrestres.
«Étant donné que nous explorons un terrain majoritairement inconnu - tant en termes de développement d'instruments que de compréhension des processus exo-hydrologiques - ce projet est extrêmement ambitieux, mais d'autant plus excitant.», témoignent Laurent et Veneranda.
Les chercheurs du LIST doivent en effet trouver des solutions innovantes aux problèmes non résolus liés à l'extraction de l'eau et de la glace des échantillons de "sol" lunaire. En parallèle, ils doivent concevoir et construire des appareils capables de fonctionner dans un environnement incroyablement hostile et difficile - avec des températures très basses et un vide très important - tout en offrant la meilleure résolution possible pour des mesures des isotopes stables de l’oxygène et de l’hydrogène dans la glace. Les nouveaux instruments, les données expérimentales et les connaissances sur les processus obtenus grâce à la recherche en exo-hydrologie permettront également, à terme, de réduire les lacunes dans les connaissances qui prévalent en hydrologie terrestre - un domaine où les mesures restent limitées à ce jour.
Avec des groupes d'experts dans des domaines multiples et pourtant très complémentaires - allant de l'hydrologie à la géochimie inorganique, en passant par la science du sol, la chimie et la physique - le LIST offre une combinaison unique de qualités et de compétences nécessaires pour relever un défi aussi extraordinaire et galvanisant que celui-ci.
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Photo principale/latérale: ESA-Pierre Carril
Photo interne de l'article: ESA-European Space Agency