Le ministère luxembourgeois de la Santé a nommé le LIST comme autorité compétente du Grand-Duché pour participer à l'action commune du programme EU4Health visant à améliorer, étendre et consolider la surveillance des eaux usées pour la santé publique. Le Laboratoire National de Santé (LNS) participera également à l'initiative en tant qu'entité affiliée.
Cette action commune vise à renforcer la capacité de l'Union européenne à prévenir les menaces sanitaires importantes qui dépassent les frontières nationales, à s'y préparer et à y réagir rapidement. Elle a plus particulièrement pour ambition de soutenir la collecte de données, l'échange d'informations et l'amélioration de la surveillance épidémiologique basée sur les eaux usées. Ce faisant, l’action s'aligne sur l'objectif général du programme EU4Health : préserver le bien-être des individus au sein de l'Union en s'attaquant aux risques sanitaires graves qui dépassent les frontières. Le programme a également pour but de renforcer la résilience des systèmes de santé et de favoriser la coordination entre les États membres pour gérer efficacement ces menaces sanitaires transfrontalières.
La surveillance des eaux usées et l'évaluation épidémiologique qui y est associée ont pris de l'importance au cours de la pandémie COVID-19. Elle s'est révélée être un outil efficace pour recueillir des informations précieuses en temps et en heure, indépendamment du comportement des personnes (p.ex. se faire tester ou non) et des interventions (p.ex. la mise en œuvre de mesures de confinement).
« La méthode de surveillance des eaux usées est utilisée depuis des décennies pour identifier et suivre la transmission de virus et d'agents pathogènes, mais pas à l'échelle que nous connaissons aujourd'hui », explique le Dr Henry-Michel Cauchie, en charge du groupe Environmental Microbiology du LIST et représentant l’Institut dans ce projet. « Ce projet a été initié par la pandémie. Elle a renforcé l'utilisation des méthodes de surveillance des eaux usées qui existaient depuis les années 50 pour suivre, par exemple, le poliovirus, dans le but de surveiller l'éradication de ce virus grâce à un programme de vaccination ambitieux. »
Les eaux usées sont un réservoir de divers micro-organismes comme les bactéries, les virus et les parasites, excrétés par les humains. Par conséquent, l'utilisation de techniques de surveillance basées sur les eaux usées peut s'avérer être une méthode très utile pour surveiller et comprendre la transmission des maladies contagieuses. L'analyse quantitative des particules virales dans les eaux usées permet d'identifier des tendances et d'observer une forte corrélation avec les cas cliniques. La recherche montre que la surveillance joue un rôle crucial dans la détection rapide des agents pathogènes et l'évaluation précise de leur prévalence au sein d'une communauté. De plus, elle permet d’identifier les zones présentant des taux élevés de résistance aux antimicrobiens en contrôlant les niveaux d'antibiotiques présents dans les eaux usées.
« L'action commune vise à mettre en place dans les États membres un réseau d'observatoires basés sur les eaux usées qui peuvent fournir des données sur divers virus ainsi que des données sur la résistance aux antibiotiques et les bactéries pathogènes. L'un des principaux objectifs est d'aider les États membres à atteindre le même niveau d'expertise en matière d'épidémiologie basée sur les eaux usées, tout en partageant leur expérience sur le terrain», ajoute Henry-Michel Cauchie,
L'initiative, intitulé EU-WISH, a été officiellement lancée les 5, 6 et 7 février 2024 à Athènes.
Le groupe Environmental Microbiology du LIST surveille les virus des eaux usées depuis plus de 15 ans. Les travaux des chercheurs, couplés aux données recueillies dans les échantillons de matières fécales humaines par le LNS, ont permis de mieux comprendre la circulation de virus tels que les norovirus, responsables des gastro-entérites hivernales, ou les entérovirus, responsables d'un large éventail de symptômes bénins ou graves (fièvre aphteuse, angine, maladie respiratoire, diarrhée, maladie cardiaque, paralysie flasque aiguë ou même méningite).
Plus récemment, l'initiative CORONASTEP, lancée en avril 2020, a été un outil précieux pour identifier le virus SARS-CoV-2 et sa circulation dans les eaux usées, ainsi que pour détecter de nouveaux variants de la maladie au Luxembourg.
Le savoir-faire du LIST en matière d'isolement de virus à partir de matrices complexes a également été exporté vers les pays voisins, notamment dans le cadre d'une collaboration directe avec les équipes en charge de la surveillance des eaux usées en France et en Belgique. Dans ce contexte, l'intégration du LIST dans l'action commune de l'UE prend tout son sens.
L'initiative, qui devrait durer trois ans, « se concentrera sur la promotion et le soutien de la mise en œuvre de pratiques épidémiologiques basées sur les eaux usées dans les pays participants. Elle impliquera des discussions, le développement de protocoles, des cours de formation et le partage des meilleures pratiques », conclut Henry-Michel Cauchie.
Outre le projet européen, le Luxembourg finance une initiative similaire au niveau national, dirigée par le LIST, qui s'aligne sur les efforts de surveillance des eaux usées au sein de l'UE et implique une coordination entre le ministère de la Santé et le ministère de l'Environnement, du Climat et de la Biodiversité.