A travers un projet de recherche innovant, le LIST vise à révolutionner les performances et les propriétés des hydrogels, qui sont retrouvés dans un large éventail d'applications médicales. Ils peuvent notamment être utilisés dans le cadre d’implants pour accélérer et garantir le processus de cicatrisation, sur des textiles tels que des bandages pour faciliter la stérilisation, ou encore dans des lentilles de contact.
Le projet COATIHN, qui a bénéficié d'un financement du FNR lors de son lancement en octobre 2020, s’intéresse ainsi à la recherche sur les hydrogels comme revêtement mince à l'aide d'impulsions de plasma.
Quelle définition apporter à un hydrogel ? « L'hydrogel est surtout connu comme un gel, tels que ceux nous utilisons aujourd'hui pour nous désinfecter les mains. Pour en faire un revêtement, nous devons cependant concevoir quelque chose de plus solide. Nous utilisons des molécules plus grosses qui viennent retenir les plus petites. L'hydrogel est composé de 5 % de polymère et le reste est généralement de l'eau. Comme la vie repose sur l'eau, cela est un atout pour avoir une bonne biocompatibilité, notamment pour les applications médicales. En effet, les hydrogels sont principalement utilisés dans ce domaine. Etant donné qu’ils sont liquides à 95 %, nous pouvons y introduire une « charge utile », tels que des médicaments - peptides antimicrobiens - qui peuvent constituer, en quelque sorte, un revêtement antimicrobien », explique Roberto Quintana, responsable du projet COATIHN au LIST.
Pour former ces plus grosses molécules, le LIST recourt à un procédé plasma spécifique. La technologie, connue sous le nom de « nano-pulse plasma », projettent de très courtes nanosecondes de haute énergie vers un mélange liquide pour former un hydrogel. « Nous sommes capables de briser quelques molécules dans le liquide et d'utiliser ces fragments pour fabriquer de plus grosses molécules. Cela est important car nous devons fabriquer cette structure de manière très précise pour avoir les propriétés d'un hydrogel. Le défi est donc d'utiliser ce cocktail très chaotique d'espèces énergétiques qui forme le plasma pour fabriquer des structures très bien conçues à l'échelle nanométrique », détaille Roberto.
Bien que les applications biomédicales pour l’administration de médicaments soient ici visées, ce type de matériau pourrait également être utilisé pour les lentilles de contact ou même les batteries.
« Le résultat est un revêtement d'hydrogel très fin avec des propriétés antibactériennes qui peut être utilisé pour aider à la cicatrisation dans le corps, ou combiné avec des pansements, ou intégré dans des lentilles de contact par exemple. Bien sûr, si vous l'appliquez dans des lentilles de contact, ce n'est pas pour délivrer des médicaments. Vous pouvez modifier les propriétés, par exemple pour que les protéines présentes dans nos yeux ne collent pas à la lentille de contact - ce que nous pouvons faire avec l'hydrogel », ajoute Roberto.
Plus précisément : « Imaginons que nous voulons appliquer un hydrogel sur un tissu. Nous pulvérisons le mélange liquide, puis nous le polymérisons à l'aide du plasma. De la même manière, si vous allez chez le dentiste et que vous avez un plombage, ils mettent un produit sur vos dents et utilisent ensuite une petite lampe UV pour le solidifier. Nous faisons la même chose et sommes capables d'utiliser le même type de matériaux ».
Le projet a démontré que l'approche scientifique du LIST fonctionne et de premiers hydrogels, bien qu'encore perfectibles, ont déjà été produits. « Nous avons démontré qu'en utilisant les bonnes nano-impulsions de plasma et la bonne chimie, le projet est compatible avec la formation de revêtements d'hydrogel non toxiques. Nous l’avons déjà prouvé avec la technologie, et nous avons désormais des résultats expérimentaux qui montrent que nous pouvons fabriquer le deuxième réseau. Nous avons également démontré que nous pouvions l'appliquer sur tout type de surface - comme du papier, des tissus, des métaux, du plastique et des céramiques - ce qui constitue un avantage certain », déclare Roberto.
En effet, grâce au dépôt direct de revêtements chargés en peptides antimicrobiens, le LIST a obtenu d'excellentes propriétés antibactériennes de niveau log 6 - utilisé dans le secteur médical pour désigner un processus de stérilisation très efficace - sur des surfaces en plastique et en métal.
Pour revenir au stade actuel du projet COATIHN : « L'hydrogel est juste un réseau de polymères et ensuite vous avez du liquide. Le problème est que pour l'utiliser dans les applications mentionnées, il faut renforcer les propriétés. Pour ce faire, il faut créer un second réseau interpénétré. Cela a déjà été fait avec d'autres procédés, mais ce que nous proposons sera plus rapide. En effet, nous pouvons créer les deux réseaux en même temps et sans additifs, ce qui très intéressant pour les applications que nous visons : moins d'additifs signifie moins de chance d'avoir quelque chose de toxique ».
En combinant deux de ses technologies de polymérisation par plasma à pression atmosphérique, le LIST vise à fournir une nouvelle approche rentable et flexible pour la préparation de revêtements d'hydrogel.
Le projet COATIHN s'étend sur trois ans et la doctorante Ingrid Azevedo y travaille à plein temps avec une équipe de base de quatre personnes. L'un des objectifs est de démontrer que l'approche du LIST consistant à faire fonctionner les deux réseaux en même temps, en ajustant les conditions du plasma, est réalisable. « Le deuxième objectif est de fabriquer un hydrogel souple mais plus résistant, ce qui est nécessaire sur le marché. Actuellement, les hydrogels sont trop mous. Lorsqu'ils se déshydratent, ils sont rigides et cassants et lorsqu'ils se réhydratent, leurs propriétés changent souvent. Cela signifie qu'ils ne peuvent pas être réutilisés », précise Roberto.
Les explorations faites à travers le projet COATIHN en utilisant des procédés plasma sont une première et rendent le processus durable. « Nous n'utilisons pas de solvants, ni d'activateurs et n’avons pas besoin de chauffer. De plus, nous utilisons principalement des gaz nobles ou de l'azote pour le plasma. Cela fait de notre procédé unique une technique durable », conclut Roberto.