Face aux impacts du changement climatique, la restauration globale des arbres pourrait apparaître comme une solution clef pour stocker le carbone atmosphérique. L’Amazonie comme poumon de la planète Terre vient alors presque immédiatement à l’esprit. Mais qu'en est-il de l'impact de la restauration des forêts sur le cycle de l'eau ?
La réponse est plus complexe qu’il n’y parait, comme l'ont récemment révélé les résultats publiés par le LIST et l'université de Wageningen dans Nature Geoscience : La restauration globale des arbres entraînerait des changements dans la disponibilité de l'eau au niveau régional. Kaniska Mallick, chercheur au LIST, explique les conséquences de ces nouvelles connaissances sur les stratégies de restauration des arbres et la gestion de l'eau
Il n'y a pas de conclusion unique, nous sommes parvenus à des conclusions différentes. Pour comprendre cela, la première chose à garder à l'esprit est que le processus de transpiration des plantes fait partie intégrante du cycle de l'eau en évaporant l'eau dans l'atmosphère à travers les stomates des feuilles. Une grande partie de cette même eau est recyclée sous forme de pluie à la surface de la Terre. Si l'on prend l'exemple de la forêt amazonienne, une quantité substantielle d'eau revient dans l'écosystème par la pluie.
Nous avons montré que les effets combinés de l'augmentation directe de l'évaporation et de l'augmentation indirecte des précipitations créent des schémas complexes de changement de la disponibilité de l'eau. Alors que l'expansion de la couverture arborée peut augmenter la disponibilité de l'eau jusqu'à 6 % dans certaines régions, la disponibilité de l'eau peut également diminuer jusqu'à 38 % dans d'autres.
Lorsque nous avons analysé les principaux bassins fluviaux du monde, nous avons également constaté un impact divergent sur les grands bassins fluviaux : certains cours d'eau pourraient perdre 6 % de leur débit en raison d'une évaporation accrue, tandis que pour d'autres cours d'eau, l'augmentation de l'évaporation est compensée par un recyclage accru de l'humidité. En termes simples, nos résultats montrent qu'il existe à la fois des cas où la restauration des arbres va augmenter la disponibilité de l'eau par les précipitations et des cas où la disponibilité de l'eau pourrait diminuer, même si l'activité de restauration des arbres est importante.
Réalisée en étroite collaboration avec l'Université de Wageningen, cette recherche a permis d'identifier les zones où la restauration des arbres pourrait apporter un bénéfice maximal ainsi que les zones où toute l'eau évaporée ne revient pas à la surface du sol. Plus précisément, nous avons constaté que certains « hot spot » de la restauration forestière pourraient perdre de l'eau, y compris dans des régions qui sont déjà confrontées à la pénurie d'eau. Ces résultats permettent ainsi aux principales parties prenantes de la gestion des forêts et aux responsables de la politique de l'eau d'adapter leurs stratégies en fonction des zones et donc d'assurer l'atténuation actuelle des effets du changement climatique.
Nous avons obtenu ces résultats en – tout d’abord - calculant la moyenne des données de cinq modèles d'évaporation disponibles basés sur des ensembles de données sur les précipitations annuelles mondiales, la météo et d'autres variables. Il s'agit de modèles très simples et disponibles, développés dans les années 60, qui ont chacun une forme fonctionnelle légèrement différente. Mais l'innovation de ce travail, mené principalement par notre remarquable doctorante Anne J. Hoeck van Dijke, réside dans l'intégration de cette évaporation globale dans un modèle de recyclage de l'humidité. C’est ce qui nous a donné ces ensembles de données sans précédent sur la restauration des arbres à l'échelle mondiale et leurs conséquences hydrologiques, qui sont d'une importance majeure non seulement pour la gestion des forêts mais aussi pour la recherche sur la politique mondiale de l'eau.