Dans quelle mesure les fonds d'investissement labellisés sont-ils durables ?

Publié le 04/07/2024

Récemment publiée dans la prestigieuse revue scientifique Nature Communications Earth and Environment, une étude du LIST met en lumière les impacts environnementaux et sociaux substantiels liés aux fonds d'investissement. La recherche, dirigée par Ioana Popescu et ses collègues, souligne les compromis complexes qu'implique la finance durable.

Le groupe "Life Cycle Sustainability Analysis" (LCSA) du LIST a étudié les empreintes environnementales et sociales de divers fonds d'investissement et révélé que même des fonds qualifiés comme durables peuvent avoir des impacts environnementaux et sociaux négatifs significatifs. En combinant des indicateurs d'impact environnemental et social, l'équipe a en effet développé un nouveau cadre quantitatif, qui a été appliqué à un échantillon de 230 fonds d'investissement auto-étiquetés comme durables.

Dévoiler les nuances de vert

« Notre étude remet en question les perceptions actuelles des investissements verts et appelle à une compréhension plus nuancée de ce qui constitue réellement une finance durable », a déclaré Ioana Popescu, première auteure de l'article, publié dans le cadre de sa thèse de doctorat réalisée au LIST.

En effet, les résultats montrent que les impacts environnementaux et sociaux totaux estimés des fonds d'investissement étudiés varient considérablement, remettant en cause l'idée que tous les fonds verts sont intrinsèquement à faible impact. De plus, en comparant deux fonds équivalents "durables/non durables", ils ont constaté que le fonds durable est meilleur dans certaines catégories d'impact, mais pas dans toutes, ce qui laisse entrevoir des compromis en termes de catégories d'impact pour les fonds durables.

Ainsi, la recherche souligne les incertitudes entourant les scores ESG (Environnemental, Social et Gouvernance) actuellement utilisés pour évaluer les entreprises dans un fonds d'investissement vert ou durable par rapport aux normes européennes, telles que le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR). Bien que ce règlement et d'autres établissent déjà des exigences strictes pour prévenir le greenwashing, la méthodologie développée par les chercheurs du LIST met en évidence les failles restantes et propose des indicateurs pour les combler. Ceux-ci répondent non seulement aux exigences du SFDR, mais aussi à d'autres cadres réglementaires tels que la Taxonomie de l'UE et la directive européenne sur la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises (CSDR).

Une analyse pionnière

Les chercheurs ont tiré parti de leur expertise en méthodologies d'analyse du cycle de vie (ACV) pour examiner la chaîne d'approvisionnement d'instruments financiers et des organisations derrières ces fonds d'investissements. Pour ce faire, ils ont tenu compte de 13 indicateurs de durabilité tels que les émissions de gaz à effet de serre, l'occupation des sols, le stress hydrique et la pollution de l'air. En les combinant avec 13 indicateurs sociaux - souvent difficiles à quantifier en raison d'un manque de données ou de leur nature - les chercheurs ont fait un important pas en avant. Cette série d'indicateurs a été sélectionnée pour s'aligner principalement sur les exigences du SFDR, ce qui rend le cadre général facilement pertinent pour la politique.

Une autre avancée technique relative à leur travail pour l'avenir de la finance durable réside dans la combinaison de jeux de données financières avec une méthode appelée "input-output LCA" (IOLCA). Les activités des entreprises ont ainsi pu être liées à tous leurs impacts environnementaux et sociaux indirects, permettant des évaluations précises au niveau des fonds. « Une entreprise dont l'essence même est de contribuer à la neutralité climatique n'a parfois pas de données exhaustives sur les produits qu'elle achète à ses fournisseurs et ne peut donc pas exclure la possibilité que ces produits aient un impact environnemental ou social, par exemple lors de leur fabrication », a expliqué Thomas Gibon, chercheur au LIST et l'un des auteurs de la publication.

Vers une neutralité climatique d'ici 2050 ?

En révélant les impacts cachés des fonds d'investissement, Ioana et ses collègues ouvrent la voie à des pratiques d'investissement plus informées et responsables qui soutiennent véritablement le développement durable. Comme les auteurs l'ont souligné, cette recherche montre également l'importance de développer des scénarios prospectifs pour atteindre la neutralité climatique d'ici 2050 et guider les décisions politiques et d'investissement. Et c'est précisément la mission complexe à laquelle l'équipe s'attelle !

 

Popescu, IS., Schaubroeck, T., Gibon, T., Petucco, C. & Benetto, E. Investment funds are responsible for substantial environmental and social impacts. Commun Earth Environ 5, 355 (2024). https://doi.org/10.1038/s43247-024-01479-4

 

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