C'était une scène inhabituelle pour une cour de récréation de lycée, surtout par une fraîche matinée de samedi. Au cours de la matinée du 14 septembre dernier, le campus du lycée Atert de Rédange, au Luxembourg, ouvrait ses portes à ses enseignants et élèves accompagnés de leurs parents mais aussi aux chercheurs du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST). Au milieu d'un vaste champ vert, une équipe s'affairait à stabiliser un grand ballon - mesurant 11 mètres de diamètre en pleine expansion à haute altitude - alors qu'il se remplissait progressivement d'hélium à partir de trois bombonnes. En l'espace de quelques minutes, le ballon a pris son envol à une vitesse de 5 mètres par seconde, transportant avec lui une charge utile remplie d'expériences scientifiques conçues pour atteindre la frontière de l’espace, et marquant l'aboutissement de plusieurs mois de préparation et de collaboration entre le LIST et le lycée.
Le lancement faisait partie d'un projet coordonné par le LIST, en partenariat avec le Lycée Atert-Rédange, et visait à favoriser l'apprentissage pratique de la recherche scientifique. L'objectif : doter les élèves des outils et des connaissances nécessaires pour mener des expériences concrètes dans un environnement proche de l'espace. Le ballon, chargé d'une charge utile de 1,6 kg, devait s'élever jusqu'à une altitude d'environ 30 kilomètres, atteignant ainsi la limite de l'espace, tout en recueillant des données essentielles.
La charge utile était divisée en deux éléments principaux : une partie était constituée de capteurs développés par les chercheurs du LIST, et l'autre contenait des expériences conceptualisées et construites par les étudiants eux-mêmes. Pendant près de deux heures, le ballon a recueilli des données sur la température, la pression et les niveaux de radiation, fournissant aux étudiants une mine d'informations à analyser et à appliquer aux modèles scientifiques.
"Le LIST a joué un rôle central dans le développement de cette charge utile high-tech du ballon", a déclaré Jérôme Polesel, Technology & Innovation Manager au LIST et chercheur principal du projet, "où nous avons partagé notre expertise en science des matériaux, en intégration de dispositifs et en prototypage". Parmi les expériences menées à bord, des jauges thermiques développées à l'aide de la technologie d'impression à jet d'encre ont été conçues pour tester leur résistance dans les conditions extrêmes de l'espace proche. "Des chercheurs expérimentés de notre équipe ont dirigé le développement de ces jauges, dont la réaction aux basses températures, aux basses pressions et aux rayonnements cosmiques sera testée", a ajouté Olivier Bouton, ingénieur principal et coordinateur technique du projet.
Une autre expérience du LIST a porté sur l'étude de l'impact des rayons cosmiques sur les nanoclusters métalliques, en particulier le platine et l'oxyde de tungstène. En analysant les matériaux après le vol, les chercheurs espèrent mieux comprendre comment le rayonnement cosmique affecte ces nanomatériaux, avec des applications pour les futures technologies d'exploration spatiale.
Pour les élèves du lycée Atert-Rédange, ce projet a été l'occasion d'appliquer les connaissances acquises en classe à une expérience réelle. Sous la direction du Dr Ben Kasel, professeur de physique au lycée, les élèves ont conçu une série d'expériences pour la charge utile du ballon, y compris la surveillance de l'environnement. Ces expériences leur permettront d'étudier les effets de la diminution de la densité de l'air et de températures de -40°C, des conditions rarement rencontrées sur Terre.
Les données recueillies au cours de cette mission seront analysées par les élèves dans les mois à venir, ce qui leur permettra d'acquérir une expérience pratique de l'interprétation des données et de la modélisation scientifique.
"Ce projet ne se limite pas à un seul lancement : il constitue une étape vers une intégration plus poussée de la recherche spatiale dans les établissements d'enseignement", ajoute Jérôme Polesel. "Les recherches en cours au LIST sur les capteurs et les dispositifs de radiocommunication pour les applications spatiales posent les bases de futures collaborations avec des écoles à travers le Luxembourg."
Le projet sert également d'étape intermédiaire à l'équipe du LIST pour affiner diverses expériences scientifiques, techniques de traitement des signaux et protocoles de radiocommunication. Ces avancées ouvriront la voie à la prochaine mission CubeSat, LIST-SAT-01, qui mènera des expériences en orbite terrestre basse (LEO) à une altitude de 500 km. Initiée en 2023, cette mission devrait être lancée au début de l'année 2026.
Regardez l'envol du ballon ici :