L'utilisation de produits d'origine végétale comme alternative aux matériaux issus de l'industrie pétrolière est d'une grande importance tant pour l'environnement que pour l'économie. La transition progressive vers une économie axée sur la biotechnologie est mise en évidence par le nombre croissant de programmes de recherche dont l'objet est l'agriculture durable et les ressources renouvelables. Un groupe de plantes, communément appelé plantes à fibres, est particulièrement important de ce point vue car il constitue une remarquable source de matière végétale (la biomasse lignocellulosique, composée de cellulose, d'hémicellulose et de lignine). Le chanvre (Cannabis sativa L.) est une plante à fibres traditionnelle qui, en plus de fournir des métabolites secondaires nutritionnellement intéressants, présente également plusieurs avantages pratiques : croissance rapide, grande adaptabilité écologique et haut rendement en fibres cellulosiques. Cette dernière caractéristique est une conséquence directe de la très contrastée composition de la paroi cellulaire des tiges de chanvre: le centre de la tige contient davantage de fibres de bois, tandis que le cortex est riche en fibres de cellulose.
L' objectif principal du projet CANCAN est de mettre en évidence les événements physiologiques qui déterminent la composition contrastée de la paroi cellulaire, en mettant un accent particulier sur l'intercommunication entre les voies de synthèse des phénylpropanoïdes et la formation de la paroi cellulaire. L'anatomie des tiges de chanvre les rend idéales pour l'intégration des différentes approches -omiques. Au cours de la première étape du projet CANCAN, la répartition spatiale des polymères de la paroi cellulaire sera évaluée par le biais de techniques immunohistochimiques ; par la suite, les métabolites sélectionnés seront quantifiés et une étude globale de protéomique et de métabolomique sera conduite. Un autre axe de l'étude protéomique sera l'analyse des modifications post-traductionnelles. L'expression des gènes essentiels pour la biosynthèse de la paroi cellulaire sera quantifiée et un sous-ensemble de gènes cibles sera caractérisé au niveau fonctionnel. Enfin, l'induction artificielle de lignification grâce à l'utilisation sélective de régulateurs de croissance des plantes sera effectuée pour confirmer le rôle des gènes/protéines précédemment identifiés dans le dépôt de lignine. Cette étape a aussi une implication directe et pratique, car elle constitue un moyen d'améliorer le dépôt des fibres ligneuses connues pour présenter des propriétés physiques idéales pour les matériaux utilisés dans le secteur de la construction.
Les connaissances sur l'intercommunication entre la voie des phénylpropanoïdes et la formation de la paroi cellulaire du chanvre sont le prélude à une vaste gamme d'applications dans le secteur du bâtiment. Actuellement, le cœur ligneux du chanvre constitue l'un des meilleurs matériaux de construction naturels car il allie force et élasticité, mais des problèmes liés à l'humidité et à la dégradabilité des composants durables dans les matériaux de construction limitent leur application. Afin d'obtenir une matière végétale présentant des propriétés supérieures, la compréhension de la façon dont les biopolymères sont formés et intégrés dans la paroi cellulaire pourrait se révéler vitale. Afin d'établir un lien entre le résultat scientifique du projet en cours et la future recherche appliquée, le pôle d'innovation luxembourgeois pour la construction durable, Neobuild, participe en tant que partenaire non contractuel au projet.